Laos: le riz, mère de toute existence

Le riz, qui nourrit au moins plus d’un tiers de l’Humanité (2,7 milliards de personnes selon la FAO, 1994 ; 4 milliards, Cirad 2023) et qui est l’aliment de base dans plus de 100 pays (harvard.edu), et représente en particulier la moitié du régime alimentaire de 1,6 milliard d’êtres humains (Unesco, 1984), est la mère de toute existence. Il a profondément façonné les cultures et traditions des peuples produisant et mangeant cette céréale qui ne se laisse dompter que par les plus endurants et ne cède son « essence de la vie » qu’aux travailleurs respectueux de la terre et honorant la vie. « Cultiver le riz est  un travail très dur. A travailler la terre, on devient  terre soi-même », a d’ailleurs souligné en fin connaisseur un paysan indien.

Car, pour réussir dans la vie, il est nécessaire de s’y consacrer entièrement jusqu’à faire corps avec son objectif, comme l’avait aussi enseigné Bouddha : « Tu ne peux pas voyager sur un chemin sans être toi-même le chemin ! »

Pas étonnant, donc, que, le riz soit la culture vivrière et la nourriture de base la plus importante au monde (factsanddetails.com ; Cirad 2023), devant le blé, le maïs et les bananes. Et un grand amoureux de la culture chinoise l’a parfaitement résumé avec ce joli jeu de mot : « Rice is life (le riz c’est la vie) pour plus de la moitié de l’Humanité. »

Considéré comme une divinité, un être pourvu d’âme (Kling, Rigole, Taryo), un marqueur de vie (Vilaysack), un aliment offert par les dieux (novarroz) ; ou un présent des dieux (unpeudetao) ou encore l’essence de la culture japonaise (Wojtan) et un donneur de vie (Chai Chin Fern), le riz nourrit naturellement contes, légendes et mythes dans ces territoires aussi disparates et lointains que le Japon et le Sri Lanka, la Chine et l’Iran, la Corée et l’Indonésie, ou encore les Philippines et l’Inde.  Sans parler des Amériques, de l’Océanie ou de l’Afrique.

Le Laos, l’une des plus petites terres rizicoles avec sept millions d’habitants et à peine 0,5% de la production mondiale -très loin derrière les géants chinois et indiens qui totalisent à eux deux quasiment la moitié du riz produit annuellement- tient pourtant une place à part dans ce paysage ondulant multicolore (les champs de riz passent du vert tendre au vert plus foncé, puis prennent un ton vert-jaune et, enfin, jaune doré). Le peuple lao est, en effet, le seul à consommer du riz gluant de manière quotidienne. Et même trois fois par jour ! Ne dit-on pas que celui/celle qui mange du riz gluant, habite une maison sur pilotis et joue du Khène (orgue à bouche en tiges de bambou) est un Lao ou Laotien ? Les quelque 18 millions de Zhuang (chiffres 2010), la plus importante des minorités de Chine, mangent aussi du riz gluant mais s’en servent surtout pour préparer leur plat de fête ou de gala : le fameux riz aux cinq couleurs.

Du riz et des nénuphars: de l’utile et de l’agréable (Photo: Phoxay Champathong)

Riz gluant, mets des divinités

En revanche, les autres populations se nourrissent essentiellement de riz blanc et n’utilisent le riz glutineux ou sticky rice que pour fabriquer des gâteaux et des mets destinés aux divinités lors de différentes fêtes coutumières ou religieuses. Du Niangao, gâteau de Nouvel An chinois, au Kagami mochi japonais en passant par le Tipat et Bantal balinais sans oublier, naturellement, les khaotom (ເຂົ້າຕົ້ມ) des T’ai-Lao, un mets cuisiné à la fois pour les humains et les êtres supérieurs, le riz gluant occupe le rôle central des festivités.

Car, s’il est cultivé dans une quarantaine de pays, le riz gluant est l’aliment de base par excellence des peuples vivant au Laos et dans les territoires d’Isan, dans le Nord-Est de la Thaïlande actuelle mais naguère une partie d’Anachak Lanexang (Royaume du million d’éléphants), ainsi que des Zhuangs. Appelé Khao Niev en Lao (ເຂົ້າໜຽວ), il représente l’alpha et l’oméga de la société lao et surtout de la nourriture de son peuple. Tant et si bien que sans riz gluant, il n’y a guère de repas digne de ce nom.

« Pour un Lao, un repas sans riz n’est pas rassasiant. A vrai dire, ce n’est même pas un repas », a très justement souligné Florence Strigler. Une pratique courante chez les Lao illustre parfaitement cette observation. Quand les dames préparent à manger un mets sans riz au centre du repas, comme un Phan khao poune (ພັນເຂົ້າປຸ້ນ), ou Phan mien (ພັນໝ້ຽງ), ou Khao poune et plus généralement tout mets à base de nouilles/pâtes, elles prévoient systématiquement un autre plat avec du riz gluant pour leurs hommes qui n’apprécient que modérément les mets préférés de la gent féminine qu’ils considèrent non pas comme un repas mais comme un simple amuse-bouche. D’ailleurs, les Lao parlent de « Kine khao » (manger du riz) pour prendre un repas et invitent amis et hôtes à « manger ensemble du riz » (Ma kine khao nam kan, ມາກີນເຂົ້ານໍາກັນ), tandis que l’invite à un repas sans riz parle de « manger ensemble un Phan khao poune, un Phô (soupe de nouilles blanches avec des boulettes et de la viande de bœuf) ou encore un Tamsom/tam mak hung (salade épicée de papaye), etc. »

Ingrédients pour un Phan khaopoune ou Phanmieng (Photo: Airnoy Phengma)

Le Phan khao poune est une sorte de salade à préparer soi-même au fur et à mesure du déroulement d’un repas en enveloppant dans une feuille de laitue ou de batavia, voire une feuille de galette de riz, un certain nombre d’ingrédients avec en premier lieu de la viande de bœuf sautée/grillée et/ou du porc (cuite à la l’eau ou frite), du poisson grillé, des crevettes, du Khao poune (une nouille laotienne) ainsi qu’une multitude de légumes (menthe, coriandre, ciboulette, choux, concombre, pickle de carotte, etc.) et de condiments divers et variés (citronnelle coupée, gingembre, ail, oignon, citron, etc.). Une fois le rouleau -qui ressemble à celui dit du printemps- terminé, on le trempe dans une sauce plus ou moins épicée avant de le déguster. Dans certaines régions du pays, ce plat est parfois appelé « Phan pa » quand le poisson est l’ingrédient central.

Dans d’autres civilisations et parmi d’autres populations, le riz occupe bien évidemment la place centrale de tout repas. « Même s’il est somptueux, un repas n’en est pas un si le riz ne figure pas au menu », a noté Lee Kwang-gyu tandis que Linda Wojtan a estimé qu’il « était quasiment impossible pour la plupart des Japonais de penser à un repas sans riz ».

Manger du riz

Comme dans tous les pays d’Asie producteurs et consommateurs de riz, cette céréale a codifié jusqu’au langage courant puisque l’expression « manger du riz » (Kine Khao, ກີນເຂົ້າ en Lao) est synonyme de « prendre un repas » (Musset, 1942). Sur les Hauts Plateaux malgaches, prendre un repas se dit également « manger du riz » (Beaujard, 1985). Ainsi, au Laos et en Isane, le petit-déjeuner se dit « Kine khao zào » (ກີນເຂົ້າເຊົ້າ), le déjeuner « Kine khào thien » (ກີນເຂົ້າທ່ຽງ) ou « Kine ngay » (ກີນງາຍ) et, enfin, le dîner « Kine khao lèng » (ກີນເຂົ້າແລງ). D’ailleurs, les citoyens lao, ou plus largement t’ai-lao, accueillent leurs parents, amis, ou connaissances de passage en s’enquérant d’abord et avant tout s’ils ont déjà mangé. « Avez-vous déjà mangé ? » (Kine khao lève bor ? ກີນເຂົ້າແລ້ວບໍ່? en Lao), demanderont-ils en lieu et place du traditionnel « Comment allez-vous ? » Cette amicale interrogation fait tellement partie intégrante des mœurs et de la vie quotidienne des habitants de l’espace géographique englobant le Laos et Isane qu’elle est devenue le titre d’une chanson à succès d’une célèbre artiste d’Isane : Kine khao lève gnang ? (ກີນເຂົ້າແລ້ວຍັງ ?)

Rien d’étonnant, donc, que le riz gluant soit, en terre lao, omniprésent, omnipotent et rythme chaque instant de la vie sociale, sociétale, coutumière et même religieuse de sa population avec notamment pas moins de quatre fêtes rituelles comportant le terme de « khao » (riz) : Boun Khaochi (ບຸນເຂົ້າຈີ່ Fête du riz grillé), Boun Khao Phankone (Fête des 1000 boulettes de riz, ບຸນເຂົ້າພັນກ້ອນ), Boun Horkhao Padabdine (ບຸນຫໍ່ເຂົ້າປະດັບດີນ, équivalent de la Toussaint) et Boun Horkhao Salak (Toussaint bis, ບຸນເຂົ້າສລາກ). De plus, une autre fête est organisée spécifiquement pour honorer le riz (paddy) avec le Boun Khounkhao (ບຸນ ຄູນເຂົ້າ) lors du deuxième mois lunaire, au cours de laquelle on fait le Baci aux âmes du riz (Cf. Infra Le riz en fêtes).

Au Japon, le mot Gohan, qui signifie à la fois riz cuit et repas, a donné des petits frères et petites sœurs : asagohan pour petit-déjeuner, hirugohan pour déjeuner et bangohan pour dîner. A l’instar du mot Nian, dans la culture chinoise. Du nom de cette bête mythique, féroce et dévoreuse d’enfants, sont nés Nianguomin (dernier jour de l’an), Xin nian hao (bonne année), Niangao (gâteau du Nouvel an), Nian yé fan (repas du dernier jour de l’an), Niannian youyu (Que vous ayez du surplus et des restes année après année), ou encore Sha nian zhu (tuer le cochon du Nouvel an), etc. Sur le Nouvel An chinois et l’importance primordiale du Nian, CF. https://laosmonamour.wordpress.com/2016/04/12/nouvel-an-chinois-pimay-lao-la-fete-des-symboles/.

Linda Wojtan rapporte que pour beaucoup de gens, certains des principaux caractères et comportements du peuple nippon seraient la conséquence directe de la culture du riz, comme le wa(harmonie), la recherche du consensus, et l’évaluation du contexte de l’action. Et certains y incluent même le concept d’amae(sentiment d’indépendance). Forcément, la déesse du Soleil Amaterasu (天照), considérée comme l’ancêtre de tous les empereurs japonais, ne pouvait être que la « mère » de la riziculture et de l’âme du riz et c’est donc elle qui avait donné des graines de riz à son fils Jinmu ou Jimmu (神武天皇), le premier empereur et fondateur du pays du soleil levant, pour qu’il transforme une terre sauvage en champs de riz.

Comme pour le Nouvel An, dont chaque peuple, chaque nation possède ses propres légendes et divinités même si elles racontent, peu ou prou, la même histoire, le riz a généré une multitude de légendes, plus passionnantes les unes que les autres.

Tip Khao Noy

En terre lao, l’un des plus beaux contes, d’une tristesse inouïe certes, celui que connaît tous les jeunes nés à la campagne et dont l’existence était rythmée par la riziculture, est celui du Petit panier à riz (Tip Khao Noy, ຕີບເຂົ້ານ້ອຍ en Lao). Après une matinée passée à labourer des rizières, un jeune homme en venait à tuer sa propre mère parce que celle-ci lui apporta un petit panier à riz avec du poisson grillé (ປີ້ງປາ) et du tièo (ແຈ່ວໝາກເພັດ, sauce à base de piment, de l’ail et d’échalotte grillés). La fatigue et, surtout, la faim lui avaient fait perdre la raison et le sens de la moralité. Il était devenu fou. Bestial !

Tip khao noy ou avoir les yaux plus gros que le ventre (Illustration: Nithane lao)

Mais, une fois l’immense rage passée, associée à un insoutenable remords et miné par une culpabilité incommensurable, le jeune paysan ne parvenait pas à manger tout le riz amené avec amour par sa maman. Moralité : avoir les yeux plus gros que le ventre (ຕາໃຫຍ່ ກ່ອນທ້ອງ Ta Gnai Kone Thong en Lao) peut, effectivement, entraîner des conséquences tragiques, à l’instar de La grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf (La Fontaine). On pourrait également tirer deux autres leçons : une alimentaire et une autre plus philosophique.

En raison de sa structure moléculaire (94% d’amylopectine), le riz gluant possède une très forte densité et une tout petite quantité peut suffire à calmer une faim. Je me souviens avec nostalgie de la réaction de ma belle-mère, disparue en mars 2017, à la vue des trois baguettes « Tradition » que je ramenais à la maison pour la première fois. Habituée à consommer des baguettes classiques, elle s’inquiétait qu’il n’y en aurait pas suffisamment pour notre maisonnée de six âmes qui avait, ce jour-là, des spaghettis au menu. « Finalement, c’est un peu comme du riz gluant. On n’a pas besoin d’en manger beaucoup », remarqua-t-elle après le déjeuner. Sur ce conte émouvant d’une très grande tristesse, CF. https://laosmonamour.wordpress.com/2021/09/29/laos-conte-du-tip-khao-noy-%e0%ba%99%e0%ba%b4%e0%ba%97%e0%ba%b2%e0%ba%99-%e0%ba%95%e0%ba%b5%e0%ba%9a%e0%bb%80%e0%ba%82%e0%ba%bb%e0%bb%89%e0%ba%b2%e0%ba%99%e0%bb%89%e0%ba%ad%e0%ba%8d-%e0%ba%ab/

Colère et unité

La maman du jeune paysan savait fort bien que le petit panier de riz gluant (Florence Strigler parle de « boîte à riz ») suffirait au déjeuner de son fils dans la mesure où elle lui préparait la même quantité de riz jour après jour. C’est donc la colère, l’aveuglement et la nature bestiale qui avaient alors pris le dessus pour le transformer en parricide.

La dimension philosophique de ce conte se révèle tout aussi prégnante. « Rester en colère, c’est comme saisir un charbon ardent avec l’intention de le jeter sur quelqu’un, c’est vous qui vous brûlez », notait Bouddha.

Dans plusieurs légendes, la colère se trouvait, d’ailleurs, à l’origine de l’éclatement du grain de riz, énorme à l’origine et qui s’envolait de lui-même des rizières jusqu’au grenier une fois mûr, pour devenir celui que nous connaissons de nos jours. De plus, les riziculteurs sont condamnés à de durs labeurs (semence, repiquage, entretien, moisson, transport etc. alors qu’il suffisait de le semer naguère) avant de pouvoir profiter de ses bienfaits (Cf. Infra Pouvoirs surnaturels).

L’un des lointains disciples de Bouddha, un moine venu de Thaïlande à Tournon-sur-Rhône en juillet 2017, a développé une allégorie fort intéressante à la fois sur le riz gluant, le Dharma (ທໍາມະ en Lao) et la pratique de la méditation.

Le riz gluant cuit forme une unité, seule et solidaire

« Les grains de riz gluant mis dans un plat vont rester ensemble de manière indépendante, sans aucune interaction, sans aucune coopération, sans aucune entraide entre eux. Chacun côtoyant l’autre sans jamais entrer en fusion. Au contraire, dès qu’il est cuit, le riz gluant devient unité, une, seule et unique. Il représente la beauté, il calme la faim et donne satisfaction à celles et à ceux qui le consomment », dit-il lors d’une session nocturne de méditation.

« Quand nous sommes réunis pour pratiquer la méditation et rendre hommage au Triple Joyau, nous devenons unité, seule et unique. Comme le riz gluant cuit. Et même quand nous sommes séparés, nous resterons toujours unis par le Dharma, comme une boule de riz gluant », ajouta le vénérable.

« L’existence du riz est indissociable du bouddhisme », a d’ailleurs souligné Richard Pottier. « Dès que les hommes mangent du riz, la religion se propage. Manger du riz est, en quelque sorte, déjà être bouddhiste. La relation entre le riz et le bouddhisme est constante. Le sangha est couramment appelé +la rivière des mérites+ (naboun ນາບຸນ) », a expliqué l’anthropologue français. Dans la légende de Nang Khosop, qu’il a analysée, l’énorme plant de riz (90 cm environ de diamètre) planté par le roi Viroupaka dans son jardin « avait été engendré au ciel par les mérites du bouddha Koukousanto. » Ce riz céleste, dont la saveur « égalait celle du coco ou le lait de bufflesse », avait nourri l’Humanité durant les 40.000 années d’existence de Koukousanto avant d’atteindre le nirvana.

Au Japon (photos ci-dessus par Bussiness and Finance International, et nippon.com), le riz est non seulement l’aliment de base de sa population, la source de son esprit traditionnel, du saké et du mochi, ainsi que des offrandes aux dieux et aux ancêtres, il représenterait même le peuple nippon en miniature. Ne dit-on pas, parfois, que les Japonais ressemblent à un bol de riz, uniforme, homogène et se serrant les coudes ! D’ailleurs, le nom officiel traditionnel du pays du soleil levant, Toyoashihara no Mizuho no Kuni (豐葦原の瑞穗の國la terre où les pousses de riz abondantes mûrissent magnifiquement) illustre parfaitement l’interdépendance entre le riz et l’existence même de la nation nipponne (Washoku, Kate Elwood).

Du riz solidaire

Au Laos, l’incroyable témoignage d’amour, de solidarité et de fraternité est, justement, magnifié par un riz gluant qui n’existe pas à l’état naturel : il s’agit du riz apporté par les villageois à une famille en deuil ou à celle qui organise une fête (Boun, ບຸນ en Lao), et qui constitue l’un des trois éléments incontournables d’un don traditionnel en compagnie de l’argent et des produits destinés au Triple Joyau et aux divinités célestes (bougie, encens et fleurs).

A chacun de mes retours en terre ancestrale, je consomme donc avec délectation et émotions ce riz composé de grains dissemblables, de couleurs multiples mais qui, comme la solidarité légendaire de notre petit peuple, collent parfaitement bien ensemble pour former une seule et même unité sociale. La diversité de ces grains, et des couleurs, illustrent de manière concrète la grande variété sociale de la population, mais chacun, quelle que soit sa condition, tient à « faire partie » de l’événement, et par conséquent être de la famille. De même, les villageois ne cachent pas leur joie de nous revoir, ma famille et moi-même, tous si ravis et si heureux de partager ensemble ce riz gluant qui n’existe nulle part en dehors de ces circonstances de communion et de partage. Extraordinaire condensé de la culture lao et de notre philosophie du partage et de la solidarité dans une seule bouchée de riz gluant ! Il est vrai aussi que ces personnes ressentent confusément une grande fierté de faire partie de la fête, mais surtout de compter un membre de leur communauté villageoise qui « a réussi » sa vie, en terre inconnue lointaine, de surcroît.

Une famille lao de France organise une fête à la mémoire de leurs ancêtres à Thakhek en décembre 2022
(Photo: laosmonamour)

« Le riz apporté par chaque personne est mélangé et cuit ensemble, ce qui implique que tout le monde mange le riz de la communauté. Cette symbolique forte permet de resserrer les liens de la communauté qui traverse une épreuve difficile », a souligné Sonemany Rigole dans son mémoire d’ethnologie (Les funérailles bouddhistes lao à Vientiane, 2014).

Ce riz solidaire, aux grains dissemblables mais qui collent parfaitement ensemble une fois cuits, ressemble un peu, de par sa représentation sociétale et coutumière, au riz gluant aux cinq couleurs des Zhuang, appelé wuse nuomifan (五色糯米饭) : noir, rouge, jaune, violet et blanc. Cette minorité du Sud de la Chine le considère comme « le symbole du bonheur et de félicité » (China Radio International ; CRI), ou « une nourriture auspicieuse et le symbole d’une bonne récolte » (People Daily online), ou encore le wugu fengdeng (五谷丰登), une récolte abondante synonyme de vie riche et heureuse (theworldofchinese). Comme le riz solidaire des Lao, le riz gluant aux cinq couleurs n’existe pas à l’état naturel. Les Zhuang le préparent pour la fête du 3ème jour du 3ème mois lunaire, au Nouvel An chinois, à la sortie des couches et lors de l’accueil du nouveau-né, pour les crémaillères ainsi que pour les fêtes consacrées aux ancêtres (nettoyage des tombes, course de pirogues dragon etc.). Outre ses qualités gustatives exceptionnelles, le riz gluant aux cinq couleurs des Zhuang apporte aussi des bienfaits à la santé, la feuille de fēngyè (枫叶, feuille d’érable) utilisée pour obtenir le noir, l’herbe qui donne le rouge et le curcuma qui teint le riz en jaune ont des propriétés médicales intéressantes pour le sang, les os, l’estomac et les intestins. Le riz blanc et le riz violet (khaokam ເຂົ້າກໍ່າ) existent, eux, à l’état naturel.

Riz aux cinq couleurs des Zhuang (Photo: trekkingsapa.com)

Selon CRI, le rituel du riz gluant aux cinq couleurs des Zhuang inclue même, pour la fête du troisième mois lunaire, le placement d’une branche d’érable à la porte d’entrée et le jet du reste du liquide de coloration au pied des murs de la demeure familiale afin d’éloigner les mauvais esprits et préserver le bonheur de la famille.

Invité et partie prenante

Au Laos, il est intéressant à noter que la communauté de circonstance n’apporte pas de riz cru, mais du riz déjà cuit, lors d’un Baci. A ma connaissance, aucune étude sociologique ou ethnologique n’a jamais été réalisée sur ce sujet. Quelques pistes de réflexion peuvent être avancées.

D’une part, lorsque quelqu’un est convié à un Baci, organisé pour célébrer un mariage, présenter un nouveau-né, accueillir un voyageur venu de loin ou avant son départ pour un long périple, il est davantage un invité, avec tous les attributs inhérents à sa qualité d’hôte. Il apportera, naturellement, les éléments constitutifs d’un plateau des âmes(Phakhouane ພາຂັວນ en Lao) : du riz gluant, un œuf dur, des gâteaux à base de riz gluant (Khaotom ເຂົ້າຕົ້ມ en Lao) ou des biscuits achetés dans le commerce, deux cordelettes de coton rituels et des fleurs. Il les placera ensuite autour du grand Phakhouane pour former ainsi une communauté de destin avec la famille organisatrice, être partie prenante de ladite cérémonie. Sur le Baci, ses origines, ses significations CF. https://laosmonamour.wordpress.com/2015/01/05/laos-baci-soukhouane-phoukkhene/; https://laosmonamour.wordpress.com/2014/12/25/laos-baci-phoukkhene-soukhouane-origines-fonctions-explications/.

Un Baci à Thakhek en 1995 (Photo: laosmonamour)

D’autre part, si l’on est formellement invité à partager la joie de la famille célébrant un événement faste autour d’un Baci et un repas organisé à cette occasion (Khor Seune Houm Phithi Baci-Soukhouane ຂໍຖືປັນກຽດ ເຊີນ ທ່ານ ເຂົ້າຮ່ວມ ພິທີບາສີ ສູ່ຂັວນ…), on nous fait part (Chèng khao ແຈ້ງຂ່າວ) d’un décès ou d’un Boun, Dans ce dernier cas, on nous prie même de faire partie de l’organisation, de devenir acteur (Pai houm pénh chaophab nam kan ໄປຮ່ວມເປັນເຈົ້າພາບ ນໍາກັນ), afin de pouvoir obtenir les mérites (Boun ບຸນ en Lao) découlant d’une bonne action. Cette nécessaire recherche d’une espèce « d’union sacrée » dans les moments tragiques (décès) ou heureux (Boun) se fait de manière très naturelle, presque innée, comme si chaque citoyen lao a assimilé, dès sa naissance, l’essence même de l’existence sur terre : la vie, la mort, la solidarité communautaire et le partage.

On notera que le mot Boun sert, à la fois, pour désigner un événement (la fête) et les mérites qu’on retire de toute bonne action, qu’elle soit faite à l’endroit du sangha et des parents décédés, ou encore à destination des personnes dans le besoin ou tout simplement envers sa propre parentèle.

Heuanedi en fête

Par conséquent, il est du devoir du villageois d’apporter toute l’aide nécessaire à la réussite d’un Boun, y compris en donnant de son temps, d’autant qu’une fête se déroule sur plusieurs jours -tout comme une veillée funèbre (Heuanedi ເຮືອນດີ en Lao)​- au contraire d’un Baci qui ne dure qu’une matinée ou un après-midi. Le don du riz non cuit a donc toute son utilité et son importance dans la mesure où plusieurs repas sont offerts et servis aux personnes de passage quotidiennement.

Obsèques à Thakhek en août 2013 (Photo: laosmonamour)

D’autant que le riz cru permet sa mise en commun avant cuisson pour exprimer l’excellence des relations inaltérables de solidarité, de partage et d’entraide de notre peuple : « resserrer les liens de la communauté qui traverse une épreuve difficile » (Rigole), rester « toujours unis par le Dharma » malgré la séparation (un vénérable thaï).  La tradition d’accueil et de partage du peuple lao est ainsi magnifiée lors de ces deux événements de grande piété bouddhiste. La maison, tout comme le cœur des maîtres des lieux, reste donc ouverte à tous, amis, villageois, visiteurs, et même des étrangers de passage. Sur la mort et la veillée funèbre au Laos CF. https://laosmonamour.wordpress.com/2014/03/03/laos-mort-obseques-esprits-passage-renaissance/.

Un touriste occidental a raconté sur les réseaux sociaux qu’il « s’était invité », sans le savoir, dans une maison où se déroulait une veillée funèbre parce qu’il y avait des personnes qui mangeaient et buvaient au son d’une musique entraînante. Une fois rassasié, il voulait remercier et féliciter ses hôtes avant de s’en aller. « Vous êtes dans un heuanedi. C’est un honneur de vous compter parmi nous », lui a-t-on alors répondu.

Cette tradition d’accueil, de partage, de solidarité et de responsabilité sociétale collective est à rapprocher de la terrible solitude d’une veillée funèbre en milieu urbain occidental où les voisins restent d’éternels inconnus et d’étrangers en dépit de plusieurs décennies de cohabitation dans un même quartier. Sur le rituel de la mort en milieu urbain occidental CF. https://laosmonamour.wordpress.com/2017/12/06/laos-rituel-de-la-mort-en-milieu-urbain-occidental/.

Riz gluant et fête des pirogues

En se basant sur des données ethno-anthropologiques, des chercheurs ont estimé que le riz gluant était l’aliment de base d’une population beaucoup plus nombreuse et plus variée qu’aujourd’hui. Cultivé il y a plus de 4000 ans (Wikipédia), il était consommé, il y a deux milliers d’années, par des Chinois, des Japonais, des Vietnamiens, des Indonésiens, des Birmans et tout naturellement par des populations Dai ou T’ai vivant dans le bassin du Mékong.

Si ces mêmes populations, en dehors des Lao et des Zhuang donc, consomment dorénavant du riz blanc, elles continuent à utiliser le riz gluant pour confectionner des gâteaux destinés aux fêtes religieuses et aux cérémonies coutumières. Ce qui a amené chercheurs et orientalistes à conclure que les ancêtres de ces peuples ne connaissaient que le riz gluant et ne mangeaient donc que cette variété de céréale.

L’importance particulière et la primauté du riz gluant ont d’ailleurs été soulignées par l’anthropologue malaisienne Elena Gregoria Chai Chin Fern : « Le riz, aliment de base en Asie de l’Est, du Sud et du Sud-Est, n’est pas seulement un agent alimentaire mais s’avère également riche en symboles. Il est considéré comme un donneur de vie de Dieu et une force inséparable de la vie. Le riz symbolise la survie et la subsistance et est, par conséquent, vénéré et glorifié dans beaucoup de pays producteurs de riz. Et le riz gluant (khao niew, G photos ci-dessus) occupe une place spéciale au-dessus du riz normal (khao chao, D). »

La légende de Gu Yuan (340-278 a.v. JC), premier poète chinois à avoir signé ses œuvres et l’un des auteurs des Chants de Chu ou The Songs of the South en anglais, illustre avec force l’usage du riz gluant dans la Chine impériale. Le jour de son suicide dans une rivière située dans l’actuelle province de Hubei, à la suite de la chute de la capitale de son royaume, les villageois accoururent dans des bateaux à tête de dragon afin de tenter de le sauver.

Gu Yuan par Shen Hongshu (Photo: Wikipedia)

Mais il était déjà trop tard. Ils jetèrent alors du riz gluant dans l’eau tout en frappant avec leurs pagaies et en tambourinant à tout-va afin d’éloigner poissons et esprits malfaisants du corps du poète. Selon la légende, Gu Yuan était ensuite apparu, une nuit, devant ses amis pour leur demander d’envelopper du riz dans de la soie en forme de pyramide afin d’éloigner les dragons. C’est la naissance du traditionnel gâteau Zongzi. Depuis, le tissu en soie est remplacé par des feuilles de roseau, de lotus, de bambou ou de bananier.

Un combat inter lignées agnatiques

A l’anniversaire de sa disparition, le 5e jour du 5e mois lunaire, on organise la Fête des bateaux-dragons, Dragon Boat Festival en anglais (Duan Wu en mandarin), pour lui rendre hommage. Lors de cette Fête du double cinq, on consomme naturellement des zongzi, un gâteau traditionnel chinois à base de riz gluant, fourré notamment à la viande de porc (salé) ou aux haricots (sucré).

Cette fête des pirogues effilées, décorées de têtes de dragon à la proue et à la poupe et son incontournable zongzi, est également célébrée au Japon, en Corée du Sud, au Vietnam, à Singapour et en Malaisie, mais également en Occident (USA, Royaume-Uni, Canada et Allemagne). Organisée, pour la première, à Lyon (France) en juin 2022, elle recèle en outre une dimension allégorique. Göran Aijmer y voit, en effet, un combat sous-jacent -donc, invisible- entre les ancêtres des différentes lignées agnatiques. Car, tous les rameurs de chaque embarcation sont formés d’hommes de la même et seule lignée agnatique, personnifiant ainsi leurs propres ancêtres morts.

Course de bâteaux dragons (Photo: Yuen Wu)

« La course était un combat entre un nombre de lignées exogamiques locales, c’est-à-dire, et en termes d’imagerie culturelle, une lutte entre les aïeuls des constellations de parentés participant à cette compétition », explique l’anthropologue suédois.

Au Laos, la fête des pirogues, qui marque la sortie du carême bouddhique (au 11ème mois), a un caractère plus religieux dans la mesure où elle est destinée -tout comme le lâcher des « bateaux de feu » (Heuafai ເຮືອໄຟ en Lao) sur le Mékong, les cours d’eau, les lacs ou même dans son propre jardin- à remercier les divinités des eaux, le Phagna Nark (ພະຍານາກ naga) en premier lieu, pour leur protection et le bon déroulement de l’existence de tous au cours de l’année écoulée. Comme toutes les populations vivant le long d’un fleuve, les Lao retirent une grande quantité de bienfaits des ondes du Mékong : son eau bien sûr (jardinage, usage domestique avant l’arrivée du système de château d’eau et d’eau courante, se laver, et plus récemment de l’électricité…), les poissons et l’ensemble de la faune aquatique, le sable, les graviers, etc.

Une pirogue, un être animé

Mais l’aspect compétition ou de « combat » n’est pas totalement absent dans la mesure où chaque village, sous le patronage et la bénédiction de la pagode du même nom, s’enorgueillit d’engager « sa » pirogue, avec « ses » rameurs triés sur le volet parmi les hommes forts du comté. (Des équipages féminins ont fait leur apparition au cours des dernières années, mais le phénomène reste encore limité). De plus, la construction de ces pirogues est soumise à un long rituel très strict où chaque étape est rythmée par des hommages aux génies tutélaires, aux protecteurs de la forêt et des cours d’eau, en guise de demande d’autorisation. Car, comme dans un Baci (CF. supra), on tente de reconstituer la totalité de l’arbre ainsi coupée, et malmenée, afin qu’il retrouve son harmonie, sa plénitude et sa force vitale, capables à même de permettre à la pirogue qui en sortira de s’imposer dans toutes ses courses. Par conséquent, ces pirogues, qui peuvent atteindre parfois jusqu’à 20 m de long, ne représentent pas seulement une embarcation, ou un simple moyen de transport sur l’eau, mais un être animé, presque sacré, et a donc droit à toutes les considérations coutumières et sociales.

Pirogue de course Chaophor Rajvong dans la cour de la pagode de Bane Mouangsoum (Photo: laosmonamour)

Ainsi, une délégation conduite par un bonze et munie d’un Khan Hâ (ຂັນຫ້າ cinq paires de bougie, d’encens et de fleurs) se rend en forêt où l’arbre élu a été repéré. Après avoir constaté que le jour et le moment sont fastes et que tout répond aux caractéristiques d’une future pirogue de course, le vénérable effectuera une prière de bénédiction et de sollicitation des génies protecteurs de l’endroit. Parce que, selon une sagesse lao, « chaque grand arbre est habité (protégé) par un Phi, tout comme toute belle fille doit avoir un fiancé » (ຕົ້ນໄມ້ໃຫຍ່ ຕ້ອງ ມີ ຜີ ສາວຜູ່ດີ ຕ້ອງ ມີ ຊູ້ Tonhmai Gnai Tong Mi Phi, Sao Phoudi Tong Mi Sou).

Une fois coupé et nettoyé, le tronc d’arbre est transporté jusque dans la cour de la pagode où l’attend un nouveau rituel d’accueil et de bienvenue. La fabrication de la pirogue monoxyle proprement dite ne démarrera qu’au jour faste après consultation de la position des astres. Et avant le premier coup de hache, l’artisan responsable de transformer un tronc d’arbre en pirogue doit solliciter le pardon et l’autorisation afin que sa mission soit couronnée de succès. Taillé, creusé, mis en forme à la hache lao (khuan ຂວນ ຫລື ຂວານ en Lao), avant d’être poncé et séché, la pirogue de course ou Heua zuang (ເຮືອຊ່ວງ) est ensuite décoré avec des motifs divers dont des Khatha (formule magique) qui lui donnent une personnalité et même une âme. Il sera donc honoré, avec fleurs et bougies, avant chaque course tout comme aux jours des préceptes ou de jeûne (vansin ວັນສີນ) ainsi qu’au Nouvel An lao (Pimay) et à toutes les fêtes du calendrier bouddhique.

Et, après chaque compétition -avec ou sans victoire-, se déroule le rituel d’hommage et de remerciement à la pirogue avant sa mise en cale sèche dans un hangar spécialement aménagé dans la cour de la pagode. De leur côté, les rameurs reprennent des forces en avalant des Khaotom, tout comme leurs collègues chinois du zongzi, le riz gluant ayant un pouvoir satiétant élevé ainsi qu’une grande douceur gustative.

Mort : départ d’un nouveau cycle

Cultivé il y a 4000 ans avant l’ère chrétien dans la région de Korat (asianartmall.com), et sans doute un millier d’années plus tôt dans la baie de Hangzhou (Hu et Chang), le riz ne pouvait effectuer son arrivée sur terre que par des moyens divins ou surnaturels dans la mesure où il s’agit d’un don du Ciel (Swaminatan), d’un donneur de vie de Dieu (Chai Chin Fern), d’un Dieu domestique (Lee), d’un cadeau ancestral (Aijmer) ou encore d’un grain sacré (Novarroz).

En raison de la très grande diversité de sa nature profonde -chaque zone culturelle possède sa légende, son mythe-, le riz a été amené par des dieux (vivants ou morts), des animaux ou des oiseaux et des serpents. Des humains aussi -un couple, un enfant, une femme, un homme-, mais le plus souvent décédés, et c’est leur cadavre, devenu engrais, qui sert alors de terroir au riz… Une constance dans la cosmologie asiatique : la mort n’est jamais la fin d’un processus, mais le début d’une nouvelle naissance, d’un nouveau départ. Comme de la mort d’un arbre est née une pirogue de compétition, considérée par tout un village comme un objet animé pourvu de grands pouvoirs et même d’âme.

Rizières en terrasses à Bali (Photo: getyourguide.fr)

Taryo Obayashi l’illustre parfaitement avec les mythes indonésiens et japonais. Ainsi, à Java, non seulement du riz a jailli du cadavre d’une jeune fille (nombril), mais également des plantes à fruits (mains, jambes) et des cocotiers (tête, sexe), alors qu’à l’île de Florès, plus au sud, le riz et le maïs ont poussé sur le cadavre d’un enfant assassiné. Au Japon, c’est également du corps de la déesse des nourritures, Ohogetsu-hime, tuée par le dieu des tempêtes Susanoo, que sont sorties des semences de riz (yeux), du millet (oreilles), des haricots (nez), du blé (sexe) et du soja (postérieur).

L’anthropologue japonais souligne d’ailleurs que la fin d’une vie, naturelle ou provoquée (sacrifice d’animaux), donne toujours naissance à une nouvelle… vie : « La puissance magique (mana) contenue dans le sang animal favoriserait la croissance des plantes. La mort étant considérée comme une prémisse de la vie, le sacrifice animal se rapproche des mythes qui lient l’origine des végétaux aux cadavres. »

Göran Aijmer estime plus importante, et plus fondamentale encore, la contribution de la mort au développement de la vie et à sa permanence, par l’intermédiaire du riz : « La terre absorbe le mort dans sa tombe et, en contenant le mort, fournit aux hommes et aux femmes encore vivants leur principale nourriture : le riz. Le riz était un cadeau ancestral, il était ancestral dans sa nature même. La terre, devenue champs agricoles, servait donc de représentation généalogique de l’ascendance. » 

Ymir, le géant primordial (Photo: Wikipedia)

A Bali, Olivier Sevin a aussi souligné l’importance de la contribution du mort, enterré en hauteur sur les pentes des montagnes, à la richesse de la riziculture locale. « L’eau qui descend du Mont Meru est amenée à la rencontre du mort pour lui assurer l’immortalité. Après quoi, cette même eau descend dans la plaine où elle fertilise les rizières (…). L’eau qui descend des montagnes et qui donne la fertilité aux plaines, c’est l’amrta », a expliqué le géographe français, grand spécialiste de l’Asie du Sud-Est, et de l’Indonésie en particulier.

En Inde, c’est aussi du corps d’une femme créée par Shiva et morte de chagrin parce qu’elle n’avait pas eu un « aliment qui n’arriverait jamais à l’ennuyer » (navarroz.pt), qu’est née une plante dont les graines donneront par la suite du riz.

« Rien ne peut se créer que par immolation, par sacrifice. C’est ainsi que certains mythes nous parlent de la création du monde à partir du corps même d’un Géant primordial : Ymir, P’an-ku, Purusha (…) Les plantes alimentaires ont une origine similaire : elles poussent du corps d’un Être divin immolé », a d’ailleurs expliqué Mircea Eliade.

Déesse et sacrifice

Les déesses occupent également un rôle prépondérant dans l’arrivée du riz sur terre au contraire des dieux, qui n’interviennent qu’indirectement par l’intermédiaire d’un envoyé céleste, par exemple. Il s’agit sans doute d’un hommage appuyé à la gent féminine, seule capable de donner la vie, puisque le riz est assimilé à la « mère de toute vie ». Comme dans la vie réelle, où la future maman doit porter seule le fardeau des privations (de sortie et de voyage), des interdits (alimentaires entre autres), mais aussi des souffrances corporelles avant de devoir allaiter son bébé pendant de longs mois, les déesses font, elles-aussi, le sacrifice de leur corps, de leur sang et de leur lait pour donner du riz, c’est-à-dire la vie, aux humains. Sur la naissance à la laotienne CF. https://laosmonamour.wordpress.com/2014/05/23/laos-naissance-a-la-laotienne-en-lhonneur-de-notre-petit-neveu-passaya/.

Déesse Guanyin (Photo: Chine information)

Ainsi, selon une légende chinoise, une déesse s’est déshabillée devant une herbe qui laisse tomber des gouttes de lait auxquelles elle a mélangé des gouttes de son sang. De cette rencontre est né le riz, blanc (comme le lait) à l’intérieur et rouge (comme le sang) à l’extérieur. De son côté, la déesse Guanyin (觀音) aurait rempli avec son lait l’épis du riz, jusqu’alors vide, et dans un effort ultime aurait mélangé du sang au lait pour donner du riz blanc et du riz rouge. De par son nom complet, Yin Kuan-shi, elle était destinée à venir en aide aux humains, guettés par la famine, puisqu’il signifie « observer les sons -ou cris- du monde (humain) ». D’autres légendes parlent également de déesses, mais pas de sacrifice, puisque l’une d’elle, « une déesse bienveillante en robe de soie a accidentellement ramassé des grains de riz égarés » avant de les laisser tomber vers la Terre (Sartor).

En Inde, la déesse Bambarazon était descendue discrètement, et de nuit, dans un champ d’épines afin de tenter de sauver son peuple de la famine. Elle serrait son sein pour faire sortir du lait jusqu’à la dernière goutte qui était alors du sang. Depuis lors, les épines produisent des grains rouges, inutiles, et du riz blanc.

Quant au dieu Inari, d’une légende japonaise, il se contenta de voler des grains de riz à Kara (la Chine) en les cachant dans un roseau, alors que Visnu aurait tout simplement transformé la déesse Devi Sri en plant de riz (Geertz, 1960). Selon une légende malgache des Tanala, le dieu du ciel Zaiiahary a tranquillement reçu le riz lors du partage du monde avec son rival terrestre Mbodisy à qui échoit le manioc (Beaujard, 1981).

Sur les différents mythes et légendes, CF infra et conte Nang Khosop https://laosmonamour.wordpress.com/2021/11/11/laos-conte-de-nang-khosop-ou-me-khosop-%e0%ba%99%e0%ba%b4%e0%ba%97%e0%ba%b2%e0%ba%99%e0%bb%81%e0%ba%a1%e0%bb%88%e0%bb%82%e0%ba%84%e0%ba%aa%e0%ba%bb%e0%ba%9a%ef%bf%bc/

Pouvoirs surnaturels

Naguère, le riz originel -avant son éclatement à cause de la méchanceté ou de la paresse des humains- disposait même du pouvoir lui permettant de s’envoler des rizières vers les greniers, une fois mûr, sans aucune intervention humaine (Pottier, contes.biz, wikisource, aejrsites). Selon des mythes et légendes des territoires producteurs et consommateurs de riz, cette céréale, nourriture de base dans plus d’une centaine de pays de par le monde, avait des grains gros comme des courges (Maspero, Pottier), des citrouilles (Levy), ou une pirogue (Poiré-Maspero), un bol (aejjrsites, chrismaviel), une tasse (wikisource), ou encore sa taille était telle qu’un seul grain était tout ce qu’un homme (ou une femme) pouvait manger pour être rassasié (contes.biz).

Cuission à lavapeur du riz gluant à la campagne lao (Photo: Nivanh Wojtkowiak)

Ce riz entier, originel, était également très savoureux et nourrissant, et possédait d’autres pouvoirs surnaturels comme se reconstituer tout seul une fois mangé par les humains (Poirée-Maspero, chrismaviel). Mais comme dans la vraie vie, un grain de sable, sous les traits d’une veuve irascible, d’une vieille femme, d’une femme ou plus rarement ceux d’un homme ou d’un jeune homme, mais qui ont en partage la paresse et la colère, avait mis fin à l’existence de ce riz céleste.

Ces légendes représentent, certainement, une allégorie de la vie, même si certains ethnologues comme Richard Pottier voient dans ces personnes réfractaires à l’ordre établi -construire un grenier, nettoyer sa maison, allumer des bougies, faire des vœux…- l’instrument symbolique de la transformation de la société. Du riz originel succulent, aux gros grains et ne nécessitant aucun effort des humains (du prêt-à-manger à volonté en quelque sorte) à la riziculture avec tous les labeurs avant de parvenir à l’obtention du paddy qu’il faut encore piler, vanner, laver et faire cuire pour pouvoir calmer, enfin, sa faim. Il s’agit d’une série de transformations nécessaires qui conduira à l’établissement d’un système de valeurs, de références et de repères. Comme l’a démontré, avec brio, Claude Lévi-Strauss dans Le Cru et le Cuit (1964).

Puisque le riz céleste est étroitement lié au développement du bouddhisme, la veuve irascible des récits tai noirs ne peut plus jouer son rôle de médiateur, estime Richard Pottier, en ajoutant : « Seul un religieux qui observe le dhamma est capable de transmettre aux hommes la maîtrise de l’objet : enseigner la riziculture ». En soulignant aussi que, « l’avenir du bouddhisme, sur le long terme, dépend non pas de l’existence du riz +total+ des origines, mais de la pratique de la riziculture. » Autrement dit, le bouddhisme a besoin des humains, donc des mortels et non d’êtres (et de riz) célestes, pour se développer, pour qu’il puisse les aider à transcender la dualité samsara/nirvana (Mahayana) ou bien à atteindre « l’éveil » (Theravada).

Bailane, support d’écriture des Bouddhistes

En d’autres termes, les mythes et les légendes nous aident à percer la face cachée d’un événement ou à appréhender le côté obscur d’une situation, aussi idylliques en apparence soient-ils, et leur nécessaire transformation afin de permettre à l’Humanité de progresser, de maîtriser son environnement, d’accepter l’inacceptable de son sort, de sa destinée. Et de continuer d’aller de l’avant. Car, il faudrait être fou à lier de ne pas vouloir nettoyer sa maison, une fois par an de surcroît, ou construire un grenier, pour profiter sans autres efforts et indéfiniment des bienfaits du riz céleste ! Que la paresse, associée à la colère, soient la cause directe de l’éclatement du riz originel, assimilé au « fruit » (phala en Pali) des bonnes actions d’un Eveillé, souligne le caractère bouddhisant de ces mythes. Et Nang Khosop, traduite par Charles Archaimbault des archives en feuilles de latanier (Baylan ໃບລານ) de Vat Sisaket (Laos) et décryptée par Richard Pottier, l’illustre parfaitement.

Liée au bouddhisme

Après l’éclatement du riz originel, sous les coups de gourde de la vieille veuve aux sept époux morts sans lui laisser de descendants et prise d’une violente colère par l’arrivée des grains alors que la construction de son nouveau grenier n’était pas encore terminée, l’esprit du riz exhorta alors les autres fragments d’aller se réfugier dans le lac d’origine, dénommé également Lac de la tortue. Malgré les demandes sans cesse renouvelées, le riz devenu désormais Nang Khosop, « une personne qui refuse de perdre son intégrité et qui possède un sens de la dignité » (Pottier), tourna obstinément le dos à l’univers des humains. Un jour, un riche héritier attrapa une carpe d’or dans un ruisseau et le roi des poissons lui proposa de l’échanger contre Nang Khosop. Celle-ci persista dans son refus. Deux Thévada (déesse), déguisées en Phagna Thène (dieu céleste), firent leur apparition pour la supplier d’aller sauver le bouddhisme. « O Nang Khosop, partez, allez nourrir les hommes de façon que la religion progresse. Vous êtes née avec le bouddhisme et vous êtes liée à la religion. »

Finalement, la déesse du riz accepta de retourner dans le monde des humains et mit ainsi fin au « temps de la disparition » et à 1000 ans de famine. Les hommes purent à nouveau manger à leur faim et le bouddhisme prospérer une nouvelle fois. Mais comme le riz a gardé tous ses attributs célestes, il disparut une seconde fois à la suite des mauvais comportements d’un monarque du royaume de Jambudvipa (non-respect des préceptes, haine de son propre peuple, échange de stocks de riz contre de l’or, de l’argent, des éléphants etc. alors que la population meurt de faim), Nang Khosop, très irritée,regagna sa demeure d’origine pour y vivre en compagnie d’un ermite, provoquant de nouveau sécheresse et famine, cette fois durant 320 années. Le mauvais roi et ses sujets périrent.

Nang Phosop (Photo: app.emaze.com)

Un jour, des Thévada conduisirent un vieux couple d’esclaves, Pou Gneu/Gna Gneu (Grand-père/Grand-mère, ປູ່ເຍີ ຍ່າເຍີ), à bout de force, chez l’ermite qui les accueillit par ces mots : « O couple, voici un cadeau précieux. Voici un aliment qui entretient la vie et la religion. Prenez Nang Khosop et plantez-la pour que la vie continue. »La déesse du riz refusa à cause des sévices subis par le passé. Et pour éviter l’extinction du bouddhisme et empêcher Nang Khosop de s’enfuir une nouvelle fois, l’ermite la déchiqueta. Des fragments de son corps se métamorphosèrent en riz noir, en riz blanc, en riz mandarin et en riz gluant. Nang Khosop désira toujours rester auprès de l’ermite, retint son souffle et mourut. L’ermite teignit ensuite ses ailes et sa queue et elle devint la « mère-riz » (mèkhào ແມ່ເຂົ້າ en Lao). Outre Nang Khosop, l’ermite fit aussi don d’un gatha (ຄາຖາ, formule magique ou incantation) au vieux couple, ainsi chargé de les transmettre à tous les peuples du monde.

Débuts de la riziculture

C’est donc à l’ermite, un religieux, que revient la mission fondatrice de la riziculture en provoquant la mort de Nang Khosop, mettant alors fin aux qualités merveilleuses du riz originel (son autonomie de mouvement, sa totalité, son abondance illimitée). Une nouvelle fois, de la mort sont nés l’essence de la vie matérielle et spirituelle (le riz) ainsi que le Dharma, son inséparable « jumeau », puisque Nang Khosop « est née avec le bouddhisme ».

Il chargea Pou Gneu/Gna Gneu de mettre en place la culture du riz afin de soutenir le développement du bouddhisme. Le riz céleste, savoureux et s’envolant seul dans les granges des humains une fois mûr, a donc laissé place à un riz humanisé, mortel et nécessitant une quantité considérable de labeurs (préparation des semences –vanekà, ວ່ານກ້າ-, labourage –thaina ໄຖນາ-, hersage –khatna ຄາດນາ-, arrachage des semis puis leur repiquage –lokkà lè damna ລົກກ້າ ແລະ ດໍານາ-, entretien, moisson –kiakhao ກ່ຽວເຂົ້າ-, battage –tikhao ຕີເຂົ້າ-, transport vers les greniers –khonkhao khun lào ຂົນເຂົ້າຂື້ນເລົ້າ- etc.) avant de devenir l’aliment de base des êtres humains. De la société originelle sans loi, sans tare mais en contact permanent avec le Ciel a donc succédé une organisation sociale avec des règles, des lois (avec le bien et le mal) et l’obligation de cultiver le riz, un riz mortel et vulnérable à la maladie, tout comme les humains. Ces derniers, condamnés à travailler dur pour vivre maintenant que tout lien avec le Ciel a été coupé, se retrouvent donc obligés de choyer Nang Khosop au travers d’un certain nombre de rituels (baci, riziculture miniature pour les premiers semis, autel pour génie du premier semis, offrandes etc.)

Pou Gneu/Gha Gneu et le lion d’or à Luang Prabang

Que la mission ait été menée à bien par Pou Gneu/Gna Gneu pauvres et presque sans force -ils ne moururent finalement qu’à seulement 964 ans, grâce au riz !-, au contraire du fils du setthi (ເສດຖີ en Lao), jeune, beau, vaillant et forcément très riche, magnifie encore un peu plus le caractère bouddhique de ce mythe. D’autant que la pauvreté, ou plus précisément le vœu de pauvreté, fait partie des préceptes à respecter pour devenir un Aichoi (ອ້າຍຈົວ en Lao) ou novice. Sur l’importance et la polyvalence de Pou Gneu/Gna Gneu, qui pouvaient être tour à tour des Thènes (êtres célestes, du Chinois Thiari), des fondateurs de la terre, des sauveurs de l’humanité (Nithan Khoun Borom), ou même les premières divinités agricoles (Couteau), ou encore une sorte d’Adam et de Eve des peuples t’ai, CF. supra et le conte de Nang Khosop.

Création et purification

Le Prof. Soulang Dejvongsa, ancien membre de l’Académie royale du Laos, a avancé une piste fort enrichissante sur les similitudes rituelles entre la Danse du dragon, clou des festivités des Chinois et des Vietnamiens notamment, et la « procession des Thévada Luang » ou Devata Luang (grandes déités protectrices) à Luang Prabang lors du Pimay lao. Dans la Chine impériale, le lion symbolisait la puissance et la noblesse d’âme et la danse a pour but de faire revivre cette magnificence pour apporter, à toute la population, chance, bonheur et prospérité, tout en chassant les mauvais esprits et les génies maléfiques. Pou Gneu/Gna Gneu, appelés aussi Pou Sankasa/Gna Sankasi ou Thévada Luang, étaient les vainqueurs du monstre Yaksa (ຍັກ) et libérateurs de Luang Prabang. La danse des masques à leur effigie et à celle du « Lion précieux et d’or » (ສີງແກ້ວ ສີງຄໍາ), suivant un rituel long et minutieux, est donc censé empêcher le retour du Yaksa, tout en apportant à tous, le bonheur, la bonne récolte (qu’on retrouve aussi dans la danse du dragon puisque le vert symbolise une récolte abondante) et la prospérité.

Dominique Geay-Drillien voit « une double fonction créatrice et purificatrice » dans la procession des Thévada Luang. « Elle retrace cette partie mythique de la tradition orale où les Pou Gneu Gna Gneu font jaillir la terre des eaux accompagnant ainsi le passage de la saison des pluies à la saison sèche. Le territoire est ensuite purifié et rendu habitable », explique l’universitaire amoureux des timbres et cartes postales du Laos.

Grâce à deux pauvres vieillards, guidés par le Dharma et la nécessité de sauver le bouddhisme, des champs de riz, désormais placés sous la protection de Nang Khosop, de Mè Phosop, de Prah Peisràp ou encore de Dewi Sri en passant par Lua, Inary et Bulul notamment, ondulent un peu partout à travers le monde.

Nang Khosop, Mè Phosop, Dewi Sri…

Le riz, essence de vie d’origine céleste et nourriture de base de près de trois milliards d’êtres humains dans quasiment tous les continents, a donc besoin d’un « ange gardien » pour se développer et donner sa pleine richesse à une population plus nombreuse année après année, au contraire, hélas ! des ressources naturelles. Selon les chiffres de l’IRRI en 1989, les pays en développement devaient compter 3,7 milliards de consommateurs de riz en 2020 contre 2,1 milliards en 1989.

L’introduction d’une déité (Nang Khosop, Mè Phosop, Prah Peisràp ou Dewi Sri, etc.) dans le monde humanisé de la riziculture, qui succédait au riz céleste ne demandant alors aucun effort aux humains contrairement aux labeurs nombreux et pénibles inhérents à la culture du riz, répond probablement à plusieurs exigences à la fois « humaines » et « supranaturelles ».

Un cultivateur laboure sa rizière à l’ancienne (Photo: Bannok Khokna)

Dans les régions non encore touchées par la mécanisation ou dont la topographie ne permet qu’un travail manuel, à l’image des rizières en terrasses formant un interminable escalier sur les flancs des montagnes aux Philippines (Batad, Banaue), au Japon (Tanada), à Bali (Jatiluwih) ou en Chine (montagnes Ailao), les paysans -en particulier ceux qui refusent l’utilisation de pesticides et d’engrais chimiques- ont besoin du soutien d’êtres supérieurs, invisibles forcément, pour les guider dans leur tâche, les aider à obtenir une bonne moisson, une aide d’autant plus indispensable que leur vie même, ainsi que celle de leur famille, dépendent entièrement du fruit de leurs durs labeurs. Une moisson abondante et de qualité permettra à toute la maisonnée de maintenir son niveau de vie et de tenir son rang dans la société villageoise (participation aux fêtes religieuses, dons aux plus démunis, commerce de riz, etc.). Et Nang Khosop, Mè Phosop, Prah Peisràp ou Dewi Sri, etc., seront fêtées et remerciées dans la joie et l’allégresse générale avec, en particulier, la fête de Boun Khounkhao (ບຸນ ຄູນເຂົ້າ) lors du deuxième mois lunaire, au cours de laquelle on fait le Baci aux âmes du riz.

Choyée comme une future maman

En Thaïlande, le Tham kouane (ທໍາຂັວນ) a lieu au moment de la formation des grains du riz, période équivalente à une grossesse chez les humains et qui nécessite attention et soins constants afin de fortifier les tiges ainsi que l’âme du riz, c’est-à-dire Nang Phosop. Comme toutes les futures mamans thaïlandaises, elle aura donc droit aux aliments aigre-doux, aux fruits au goût amer (En Asie, les femmes enceintes adorent manger des fruits pas encore mûrs, des mangues en particulier, qu’elles plongent les lamelles dans une sauce sucrée-pimentée. Au Laos, cet encart, pris le plus souvent au cours de l’après-midi, est d’ailleurs appelé Kine-som (ກີນສົ້ມ, littéralement manger acide). Selon Nammon Yoo-in, la cérémonie de Tham khouane doit se tenir dans la matinée ou le soir (comme pour les êtres humains donc afin que la forte chaleur n’indispose pas les khouane) et être conduite par une femme un vendredi, qui se dit « Vansouk » en Thaï comme en Lao, c’est-à-dire le « jour du bonheur ». (Sur le Baci, son importance sociale, ses origines et ses significations, CF. supra).

Kisom avec des mangues vertes (Photo: Chièsésoun Mèmankone)

« En Malaisie, on croyait traditionnellement que le riz avait une âme ou semangat padi, selon l’idée très répandue qu’un principe vital habite et anime les choses et les êtres vivants de ce monde », explique Zainal Kling.

Cependant, l’existence de ces divinités se révèlent plus fondamentale encore en cas de mauvaise récolte ou de calamités naturelles (sécheresse, inondation, maladies du riz, invasion de sauterelles et d’insectes, etc.) car elles serviront alors aux riziculteurs de point de repère, de bouée de secours à laquelle s’accrocher dans l’espoir d’un lendemain meilleur. Car, les paysans possèdent une grande qualité de résilience et une fidélité sans faille envers des êtres supérieurs auxquels ils attribuent le mérite du bon déroulement de leurs activités et de l’épanouissement de leur existence.

Karma

Contrairement à la classe ouvrière des pays post-industrialisation, qui rejettent tous leurs problèmes et malheurs sur les autres (patrons, gouvernement ou même Dieu lui-même), les travailleurs du riz, en particulier ceux vivant en Asie et d’obédience bouddhiste, estiment que tout ce qui leur arrive -de bien ou de mal- est le fruit de leurs actions (karma), passées et présentes, et que si la moisson n’a pas été à la hauteur de leurs espérances, c’est parce qu’ils n’ont pas apporté suffisamment d’attention, de soins ou de considération aux rizières tout au long du processus de la culture du riz. « En Occident, nous cherchons toujours des causes externes à nos problèmes alors qu’ici (en Asie) ils savent que leurs propres actes étaient et sont à la racine de tout ce qui leur arrive », note très justement Luis Gabaude. Pour eux, les êtres supérieurs ne les ont jamais quittés et ont continué à veiller sur eux et sur leurs rizières. Par conséquent, ils vont redoubler d’effort (aux champs) et de dévotion (auprès des divinités) afin de retrouver une bonne récolte et une vie meilleure.

Cérémonie du Takbad à Luang Prabang (Photo: Luangprabang city)

« Les êtres sont propriétaires de leur karma, héritiers de leur karma ; le karma est la matrice d’où ils sont nés, le karma est leur ami, leur refuge. Quel que soit le karma qu’ils réalisent, bon ou mauvais, ils en seront héritiers », dit d’ailleurs Bouddha.

Certes, le riziculteur, sans doute plus encore qu’aucune autre classe sociale, sait qu’il doit d’abord compter sur son travail, sur sa persévérance, sur sa résilience et sur sa maîtrise de l’art de cultiver le riz pour réussir. Et il est, en cela, en parfaite harmonie avec les enseignements de Bouddha : « Travaillez à votre propre salut. Ne comptez pas sur les autres ! » Autrement dit, « Aide-toi, le Ciel t’aidera… » Peut-être…

Le riz en fête

Sur le plan structural, l’existence des divinités dans le monde de la riziculture sert de calendrier, de marqueurs d’étapes et de guide aux paysans qui savent que la cérémonie d’hommage et de demande d’autorisation de sortir les semences des greniers correspond, par exemple, au début du long processus de la culture du riz. Vient ensuite le temps de mettre en place la parcelle du premier semis, réservé au génie éponyme, la statue du Phi Tahek ainsi que les rites d’hommage et de demande de protection avec bougies allumées, des plats sucrés offerts, etc. Chez les Khmu, cette parcelle, située juste à côté de leur cabane du champ sur brulis, est occupée par de jeunes plants de riz violet (ເຂົ້າກໍ່າ en Lao) parce qu’ils considèrent le khaokam comme leur père et leur mère.

Lors de la formation des grains de riz, les paysans thaïlandais organisent le Tham khouâne à Mè Phosop alors qu’au Laos on attendra la moisson pour effectuer le Boun khounlâne (ບຸນຄູນລານ), littéralement fête de bénédiction du Lâne et/ou Boun Khounkhao (ບຸນຄູນເຂົ້າ).

Boun Khounkhao (Peinture de Khouamhou hobtoi)

Beaucoup de personnes, y compris des spécialistes de la culture lao, confondent souvent ces deux fêtes en affirmant qu’il s’agit d’un même et seul Boun. Cependant, même s’ils se ressemblent et visent la même finalité (célébrer la Mère-riz et ses « enfants » afin de les remercier dans l’espoir d’une aussi bonne moisson à l’avenir), ces deux festivités ne se déroulent ni au même endroit, ni à la même date, ni avec les mêmes protagonistes.

Boun Khounlâne a lieu, comme son nom l’indique, dans un enclos spécialement aménagé au sein même de la rizière (sol solidifié par un mélange d’argile et de bouse de buffle, clôture renforcée, une hutte en paille pouvant accueillir deux ou trois personnes, etc.) où sont déposées sous forme d’énormes cônes les bottes de paddy, une fois les tiges coupées à la faucille, reliées et séchées au soleil. Le mot « khoun » possédant une double signification en Lao (précieux et faire des tas de plus en plus grands), Boun Khounlâne rend donc avant tout hommage au lieu (le Lâne), endroit ô combien précieux et stratégique puisqu’il emmagasine toute la richesse de la famille, toute sa nourriture et son moyen d’existence pour les 12 prochains mois. Cet enclos de quelques dizaines de mètres carrés renferme, en effet, le fruit du travail de toute une famille pendant une saison entière. C’est pour ces raisons qu’une ou plusieurs personnes dorment dans une hutte en paille pour monter la garde jusqu’au transport de tout le paddy au grenier, situé au village.

Entraide au clair de lune

A l’issue de cette petite fête, organisée autour du noyau familial, juste après la moisson au 12ème mois lunaire, débute ensuite le battage à l’aide de fléau, une période de grande solidarité et d’entraide villageoise, associée à un parfum de romantisme et de relative liberté.

Je me souviens avec toujours autant d’émotions et de poésie de ces soirées au clair de lune, passées à aider proches, voisins ou parfois même des habitants d’un autre village à battre leur riz ou, parfois, à terminer le travail. Ce qui nous valait alors, non seulement des remerciements appuyés et une reconnaissance d’une infinie tendresse, mais surtout un repas à base de riz gluant et de poulet entier cuit dans un bouillon parfois parfumé au chanvre, arrosé d’un peu d’alcool de riz et d’énormément de bonheur simple. Certaines nuits, il nous arrivait même d’être conviés à plusieurs repas dans la mesure où nous arrivions au moment du battage des dernières bottes de riz. Jeunes gens et jeunes filles profitaient alors de l’occasion pour des flirts un peu plus poussés, un peu moins surveillés, même si nos hôtes veillaient toujours jalousement sur leurs filles, cousines ou nièces.

Battage collectif de riz (Photo: Vithi Thaibane)

En dépit d’un travail difficile et très pénible (on respirait mal à cause de l’écharpe placée sur la bouche et le nez pour se protéger de la poussière), la bonne humeur et la joie étaient de mise, chacun s’attendait avec impatience et un bonheur inouï à rentrer au plus vite le paddy au grenier. Ce qui explique la grande générosité des riziculteurs lorsque prenait fin le battage. Alors, résonnaient dans la nuit si belle et si paisible le son des chants populaires entrecoupés de bruit des bottes de riz heurtant le sol ou les planches en bois. Dans la région de Thakhek, on pratiquait le battage à l’ancienne jusque dans les années 1975-80 : une botte de riz enserrée entre deux tiges de bambou reliées entre elles par une corde à une extrémité, on soulève le tout au-dessus de la tête avant de l’abattre sur le Lâne.

Une petite cérémonie rituelle (un œuf dur, deux bougies, des fleurs, du riz gluant, de l’alcool de riz…) est organisée pour remercier les génies protecteurs de l’endroit et annoncer au paddy son transport vers le grenier à bord de charrettes tractées par des bœufs ou des buffles. La solidarité villageoise jouait à fond de nouveau, puisqu’il fallait beaucoup de mains pour transvaser le paddy vers le grenier dans des paniers spécialement fabriqués à cet usage et appelés Kaboung (ກະບຸງ) ​en Lao et portés sur les épaules. Un repas et beaucoup de convivialité clôturaient cette séquence, prélude à la fête du Boun Khounkhao, appelé également Boun Kongkhao dans la mesure où l’on fait la fête à du riz rassemblé en tas.

Hommage au riz

Comme son nom l’indique, Boun Khounkhao, célébré audeuxième mois lunaire, est l’occasion de rendre hommage à la « préciosité » (khoun, ຄູນ, un dérivé de ຄໍ້າຄູນ khàmkhoun, auspicieux, favorable)du riz, puisqu’il nourrit non seulement toute la maisonnée mais lui permet également de retirer de l’argent de la vente du paddy tout en contribuant à maintenir le statut social de la famille au sein de la communauté villageoise. Cette fête peut être individuelle ou collective.

Dans le premier cas, le chef de famille conviera des bonzes et la proche parentèle à son domicile où auront lieu plusieurs rituels, à la fois coutumière et bouddhique : le Baci de Mè Khosop, la bénédiction à l’eau lustrale du paddy par les bonzes, un Takbad (offrande de nourriture, de fruits et gâteaux, ainsi que de l’argent à déposer dans un récipient en fonte de forme ronde), suivi d’un repas et d’un Thetsana (équivalent d’un sermon chez les Chrétiens, mais il peut aussi s’agir du récit d’une épisode de la vie de Bouddha avec des enseignements et une morale à tirer/interpréter par les fidèles eux-mêmes). A la demande des hôtes, les vénérables peuvent aussi participer au Baci de Nang Khosop.

Si plusieurs paysans décident d’organiser une fête collective, à la pagode donc, la mise en commun des moyens financiers et matériels permettent alors de convier tous les habitants du village à cette célébration qui reprendra pratiquement tous les rites de la fête familiale. La seule grande différence concernera le Baci de Nang Khosop qui sera alors honorée, non pas dans un grenier, mais dans la cour de la pagode ou à l’intérieur même de la bâtisse de service appelé Horcherk khao qu’on peut traduire littéralement, mais de manière peu satisfaisante, par la « maison de distribution du riz », cherk signifiant distribuer en Lao.

C’est, en effet, en son sein que se pratiquent les offrandes en tous genres aux bonzes avec un triple objectif : assurer leur subsistance, obtenir des mérites pour nous-mêmes et transférer l’ensemble des dons ainsi que le boun s’y afférant à nos chers disparus. Ainsi, on y offre des repas (ou dana) aux religieux, on effectue la dédicace (Utid ອຸຖີດ) et le transfert des mérites d’un Kongboun (ກອງບຸນ) ou de tout autre don (Phakaï -ensemble de vêtements monastiques comprenant un sac, un juste-au-corps, un sarong, une ceinture en coton, une grande toge servant à recouvrir la totalité du corps ainsi qu’une grande écharpe de cérémonie-, arbres à dons ou Tonkalaphuck ຕົ້ນກາລະພືກ, produits alimentaires ou de première nécessité, de l’argent aussi, ainsi de suite) aux esprits de la parentèle disparue. Sur le transfert des mérites CF. https://laosmonamour.wordpress.com/2021/07/27/nourrir-directement-des-esprits-entre-realite-et-mystere/).

Fauchage collectif de riz (Photo: Vithi Thaibane)

Il s’agit aussi d’un lieu de réunion, de détente, de discussions, de fête, du partage et d’échanges entre fidèles et religieux sur les tous les sujets intéressant la communauté villageoise. Le Horcherk est le plus grand bâtiment d’une pagode, et forcément le plus fréquenté puisqu’ouvert à tous en permanence, alors que le Kouti (ກຸຕິ)sert de foyers aux moines et que le Sima (ສີມ) est réservé aux cérémonies religieuses les plus importantes et à caractère strictement liturgique. C’est précisément dans un Horcherk que certains touristes occidentaux, surtout des jeunes voyageant seuls ou à deux et disposant de peu de moyens financiers, peuvent trouver le gite et le couvert en respectant quelques règles du savoir-vivre local : respect des lieux et surtout des bonzes et des statues de Bouddha, observer le silence, ne pas polluer l’environnement au propre comme au figuré, etc. Les fidèles, après avoir fait don du repas aux bonzes, se partagent en effet les « restes », appelés Khao konh bad (ເຂົ້າກົ້ນບາດ) qu’on peut traduire littéralement mais de manière peu satisfaisante par le « riz restant au fond du bad ». Car, il s’agit non seulement du riz mais également de l’ensemble de la nourriture non consommés par les bonzes. Dans la cosmologie bouddhique lao, nous croyons que ce repas, pris en commun par l’ensemble des fidèles présents au Horcherk dont des touristes de passage, apporte santé, bonheur et joie de vivre, puisqu’il a été béni et touché par des vénérables.

Langage spécifique

Dans le bouddhisme Theravada, le Kongboun -littéralement un « tas de mérites », kong pouvant être tas ou tambour en Lao- est l’élément central de toute cérémonie de dédicace et de transfert de dons et des mérites aux personnes disparues. Normalement, on met en place un Kongboun pour un disparu honoré, mais il est tout à fait possible d’en dédier le même à plusieurs esprits en même temps. Et tout s’organise, donc, autour du Kongboun qui en est la pièce centrale, l’alpha et l’oméga de la fête. D’ailleurs, la remise des dons (Khong mothana thane ຂອງໂມທະນາທານ) des parents, invités et de tout autre personne de bonne volonté désirant se joindre à la fête, se déroule devant le Kongboun pour permettre aux esprits ainsi honorés d’en être les témoins. Et d’accorder leur bénédiction et leur protection aux donateurs. Dès la fin des prières, dédicaces et bénédictions, il est remis au vénérable responsable de la pagode ou à tout autre bonze choisi par les organisateurs. On dit « khén » (ເຄັນ) en Lao parce qu’on doit utiliser des mots/expressions spécifiques pour s’adresser au Sangha. Par exemple, on doit « monh » ou « ni-monh » (ມົນ ou ນິມົນ) un vénérable à se rendre chez soi pour « sanh-khao » (ສັນເຂົ້າ) et non pas « l’inviter » (seun ເຊີນ) à la maison pour « prendre un repas » (kine-khao ກີນເຂົ້າ). Sur le Kongboun et Pha-kaï, CF. https://laosmonamour.wordpress.com/2022/07/31/ajahn-pane-anantho-un-maitre-aux-sept-perfections-%e0%ba%9e%e0%ba%a3%e0%ba%b0%e0%ba%ad%e0%ba%b2%e0%ba%88%e0%ba%b2%e0%ba%99-%e0%ba%a1%e0%ba%b0%e0%ba%ab%e0%ba%b2%e0%ba%9b%e0%ba%b2%e0%ba%99-%e0%ba%ad/.

Pour les besoins de la fête, chaque paysan-organisateur apportera à la pagode un ou plusieurs conteneurs de paddy (Kaboung khao ກະບຸງເຂົ້າ) dans le but de représenter le grenier. Dans certaines régions du Laos, les riziculteurs peuvent édifier des monticules (that ou Phathat ທາດ ou ພຣະທາດ) de paddy à l’instar des that de sable (monticules de sable) construits lors du Pimay lao. Cette approche possède plusieurs avantages sur le plan pratique et même religieux.

Resserrer les liens

Les stupas de paddy, entourés de bottes de foin, apportent une note esthétique évidente à la cour de la pagode tout en rappelant les monticules de riz se trouvant sur un Lâne avant d’être transféré au grenier. Une rizière quasiment en grandeur nature prend alors forme à l’ombre des Kouti, Sima et autres bâtiments abritant le grand tambour (Horkong ຫໍກອງ) ou de rassemblement, à la grande joie de tous, les plus jeunes comme les ainés. Le Sangha peut redistribuer ce riz aux personnes/familles nécessiteuses ou le conserver pour les grandes fêtes du calendrier, même si en ces occasions de grande piété bouddhique, les dons en nourriture et en riz dépassent souvent -et de très loin- les besoins. Outre cet aspect d’utilité matérielle, la mise en commun de l’essence de la vie contribuera à renforcer les liens de solidarité et d’entraide communautaire tout en permettant à ces mêmes familles de se sentir, chaque jour un peu plus, comme faisant partie d’une même et seule communauté de destin.

Edification de stupas de sable à Luang Prabang en 1957

Certes, chacun des organisateurs dédiera dons et mérites à sa propre parentèle disparue, mais la symbolique d’unité et de concorde imprégnera sa puissance sur l’ensemble du village, encourageant d’autres cultivateurs à mettre en commun leurs biens dans les années à venir afin de célébrer tous ensemble Mè Khosop et ses enfants lors du Boun Kongkhao ou Boun Khounkhao. Sur la mise en commun des essences vitales chez les Lao CF. https://laosmonamour.wordpress.com/2017/12/06/laos-rituel-de-la-mort-en-milieu-urbain-occidental/.

Enfin, l’animation apportée par les monticules de paddy rend la fête plus joyeuse, plus conviviale et surtout plus authentique. Dans le même temps, la symbolique des grains de sable est censée apporter aux fidèles autant de boun (mérites) que les innombrables grains de paddy constituant les Phathat xai (ພະທາດຊາຍ) de riz. Sur le plan purement organisationnel, une célébration collective du village évite aux bonzes la répétition des mêmes rituels, et prières, chez autant de riziculteurs qu’il y a de fêtes.

Une épisode la vie de Bouddha

Le Boun Kong khao a pour origine une légende relatant l’une des vies antérieures de Bouddha avant son Illumination. Deux frères, très pieux, avaient d’abord exploité de concert des rizières héritées de leurs parents avant de procéder à un partage, le jeune frère désirant procéder à l’offrande du riz au Sangha à chaque étape du processus de la riziculture (9 en tout) tandis que l’ainé se contentant de faire don de son riz aux bonzes une fois la moisson terminée. Grâce à leurs dons de riz, issu de leur champ et de leur générosité sincère, au Sangha, les deux frères réalisèrent leurs vœux dans la vie suivante : le cadet avait atteint le rang d’Arahant (Arat en sanscrit), l’échelon le plus élevé de la sagesse dans le bouddhisme Theravada, alors que l’ainé était devenu un noble respecté d’une remarquable générosité (Arigna bouckhonh ອະຣິຍະບຸກຄົນ en lao).

Depuis lors, on organise le Boun Kongkhao à chaque deuxième mois lunaire afin de rendre hommage à Mèkhao (Mè khosop) et obtenir des mérites (boun) grâce au don fait au Sangha.

Comme l’avait souligné Richard Pottier, « l’existence du riz est indissociable du bouddhisme », et que la riziculture n’avait été mise en place que pour permettre le développement de l’enseignement de Bouddha, il se révèle donc tout à fait naturel que les riziculteurs fassent don du fruit de leurs labeurs au Sangha, le Dana étant la première des Perfections. Sur l’importance particulière des dons au Sangha, CF. https://laosmonamour.wordpress.com/2021/07/27/nourrir-directement-des-esprits-entre-realite-et-mystere/

LeTakbad lors du Boun Khaochi avec des boulettes de riz grillé à la braise
(Photo: dhammalaos.com)

Au troisième mois lunaire, une autre fête rend de nouveau hommage au riz, et au bouddhisme, avec le Boun Khaochi (ບຸນເຂົ້າຈີ່) ou la Fête du riz grillé. Comme son nom l’indique, il s’agit d’offrir aux bonzes des boules ou morceaux de riz gluant déjà cuit, enrobé d’œuf jaune et dorés au feu de bois. Contrairement au Boun Kongkhao, où le riz et Mèkhào occupent le rôle central parce qu’on leur fait la fête, le riz devient un simple objet dans le Boun Khaochi. Il reste, certes, l’élément incontournable sans lequel cette fête n’aurait jamais existé, mais la vraie vedette est, elle, invisible, impalpable et se trouve dans le cœur et l’amour de chaque donateur : le Boun ou mérite inhérent à cet acte de générosité.

Un dana : de la pureté de l’intention

Le Boun Khaochi a pour origine un épisode de la vie du Bouddha historique. Un jour une dame, connue sous le nom de Nang Pounna Thasy (ນາງ ປຸນນະ ທາສີ), avait fait un dana de Khaochi à Bouddha Gautama et à son plus proche disciple Phra Anonh. Mais une fois l’offrande terminée, elle était minée par le doute en se disant que Bouddha ne le mangerait pas parce que son don manquait, selon elle, d’excellence et de finesse, et il le jetterait aux animaux, aux chiens. Dès qu’il l’avait su, grâce à sa maîtrise de l’espace, du temps et des êtres, l’Eveillé ordonna à Phra Anonh de dresser la table pour le déjeuner, à l’endroit même du dana, pour honorer le riz grillé de la dame. Celle-ci était alors transportée par une très grande joie de voir son don ainsi consommé. Le repas terminé, Bouddha lui octroya un Thetsana, pour lui expliquer notamment que l’intention (cetana) est karma. « En ayant intention, on crée du karma au moyen du corps, du discours et de l’intellect », ajouta-t-il. Grâce à ce dana effectué avec un cœur pur et rempli de générosité, Nang Pounna Thasy était devenue par la suite une noble personne aux qualités de piété exceptionnelles (Arigna bouckhonh ອະຣິຍະ ບຸກຄົນ). Depuis lors, les riziculteurs organisent le Boun Khaochi après la moisson, le don de riz au Sangha apportant d’immenses mérites ou boun à ses auteurs.

Transport des bottes de paddy (Photo: Vithi Thaibane)

Dans un dana, la pureté de l’intention prime sur tout le reste. Cette histoire est sans doute à l’origine de celle racontée par toutes les grand-mères de la terre t’ai-lao avec quelques petites différences, des variants pour qu’elle représente à la perfection une Bouddhiste type, habitant à la campagne et se battant pour vivre au jour le jour. Ainsi, la dame était pauvre, portait une jupe en jute et un corsage délavé. Elle venait de confectionner son seul repas du jour, un Khaochi bien doré à la braise et qui était tellement chaud qu’elle était obligée de le transporter sur un pan de sa jupe. Mais lorsque Bouddha passa devant elle pour le Binthabad matinal, elle lui avait immédiatement fait don de sa pitance avec un cœur débordé de joie et de gratitude. Mais son allégresse intérieure était de courte durée car elle était très vite assaillie par une grande peur de s’être créé un mauvais karma et serait punie pour avoir offert une nourriture souillée par sa jupe, un vêtement féminin proscrit de tout contact avec un membre du Sangha. Dès que l’Illuminé avait pris conscience du doute existentiel de sa donatrice, grâce à sa vision intérieure et à sa maîtrise de l’environnement proche et lointain, il effectua un demi-tour pour aller lui délivrer un Thetsana sur le grand mérite d’un don de riz.

1000 boulettes de riz

L’importance du don de riz et sa place particulière dans le rituel bouddhique sont magnifiées par la procession des Khao phan kone (mille morceaux de riz ເຂົ້າພັນກ້ອນ) lors du Boun Phaveth (ບຸນພຣະເວດ), la plus importante fête de la culture bouddhique. Tout comme son statut d’élément central, incontournable, dans toute offrande au Sangha lors de la célèbre cérémonie matinale de Takbad, l’événement incontournable de la piété bouddhique ainsi que pour les touristes de passage à Luang Prabang, l’ancienne capitale royale.

Fête des 1000 boulettes de riz (Photo: Bannok khokna)

Depuis la nuit des temps, le riz a nourri et permis à d’innombrable variétés d’êtres animés de voir le jour, de se développer et de peupler la surface de la terre. Il s’est également diversifié afin de s’adapter aux conditions climatiques du milieu où il est cultivé pour donner une multitude de variétés -riz gluant, riz blanc, riz basmati, riz rond, riz long, riz à sushi, riz à risotto, riz noir, riz rouge, etc.- à même de satisfaire aux palais les plus gourmets ou les plus exigeants ! De part sa texture et sa richesse en amidon, le riz se prête à une infinité de mets sucrés ou salés. De plus, sa consommation régulière, et en quantité suffisante, contribuerait à réduire l’obésité dans le monde.

Selon une étude de la FAO, portant sur plus d’un million d’habitants dans 136 pays et publiée par le site EurekaAlert en avril 2019, « les taux d’obésité sont considérablement plus bas dans les pays qui consomment de grandes quantités de riz (en moyenne 150 g jour/personne), tandis que les pays avec une consommation moyenne de riz inférieure (14 g j/p) ont des niveaux d’obésité plus élevés », soulignent les chercheurs en recommandant en priorité du riz brun ou nature.

Riz et baisse de l’obésité

« Les associations observées suggèrent que le taux d’obésité est faible dans les pays qui consomment du riz comme aliment de base. Par conséquent, un aliment japonais ou un régime de type asiatique à base de riz pourrait aider à prévenir l’obésité« , a expliqué le professeur Tomoko Imai, de l’Université de Kyoto (Japon), qui a dirigé la recherche. Le taux d’obésité au Japon est parmi les plus faibles au monde avec 3,3%, très loin derrière ceux des Etats-Unis (33,7%), de l’Australie (27,9%) ou de la France (23,9%) par exemple.

Si les chercheurs ont tenu à mettre en garde sur l’absence de relation de cause à effet entre la consommation du riz et la baisse de l’obésité, il est cependant à noter que sur les huit pays ayant le plus fort taux d’obésité (plus de 40% et jusqu’à 50,8% pour les Iles Cook), trois seulement (Palaos, Tuvalu et Qatar) consomment du riz.

En revanche, dix des onze nations avec le plus faible taux d’obésité se trouvent en Asie et ont pour aliment de base le riz, même si le Bangladesh, premier consommateur au monde avec 473 g/personne/jour, n’occupe que le 10ème rang (3,6%),  en compagnie du Vietnam, juste derrière le Laos (3,5%), deuxième consommateur avec 443 g/j/p. De même, en France on n’en mange que 15 g/j/p, et pourtant son taux d’obésité est de quatre points inférieurs à celui de l’Australie qui en consomme plus du double quotidiennement (32 g).

Même si son influence sur la baisse de l’obésité reste à confirmer, le riz, de plus en plus consommé de par le monde, s’affirme jour après jour comme un don de la vie des dieux et la mère de toute existence.  « Un bol de riz avec de l’eau et le coude comme oreiller, voilà un état qui a sa satisfaction », avait très élégamment résumé Confucius en ajoutant qu’il avait acheté du riz « pour vivre et des fleurs pour avoir une raison de vivre. »

Fusion entre deux générations

Dans l’aire géographique t’ai-lao, le riz est non seulement une divinité et la nourriture de base de tout un peuple, mais il remplit également d’innombrables fonctions culinaires, sociétales, médicinales et rituelles (Cf. Encadré). Ainsi peut-on faire tout un plat avec une soupe de riz avec des légumes, du poulet ou une omelette coupée en fines lamelles.

Une maman lao allaite son bébé (Photo: laosmonamour)

Et le tout premier repas solide d’un nourrisson n’est autre que de la bouillie de riz, issue de la mastication du riz gluant, enveloppée dans une feuille de bananier sous forme de pyramide et ensuite recuite à l’étouffée dans des cendres et des braises. Le processus de fabrication s’avère plutôt long, requiert une grande patience et surtout beaucoup d’amour. En effet, la bouillie ainsi obtenue contient une partie (la salive) de la personne en charge de sa confection (mère, grand-mère, tante ou frère et sœur), une illustration concrète des liens charnels directs entre deux générations des membres d’une même famille. Si aucune étude n’a été réalisée sur le sujet, des exemples abondent sur la « fusion » entre la mère nourricière (appelée à remplacer la mère de sang pour diverses raisons) qui a allaité un bébé, et l’enfant, ce dernier héritant presque systématiquement des habitudes culturelles de sa maman de substitution avec un caractère et une personnalité bien différents, une fois devenu adulte, de ceux de ses autres frères et sœurs, nourris eux au seul sein maternel.

De même, ma sœur cadette, la seule à n’avoir pas mangé du riz prémâché par mes soins, avait moins de facilité à l’école que ses quatre grands frères, même si elle a finalement réussi à devenir médecin.

Une flore bactérienne maternelle

Je me souviens, en tout cas, avec émotion de cette bouillie qui ressemble alors à du flan une fois cuite et plus particulièrement du parfum dégagé en même temps que s’élève une fumée presque translucide du mets lors de l’ouverture du parquet (on dit en lao Mok-khao, ມົກເຂົ້າ). Si des chercheurs de l’Unicef (Kachondham & Dhanamitta 1992, Souk Aloun 1994, Phimmasone et al. 1996, Kaufmann 1997, UNICEF 1999) ont conclu que l’introduction précoce du riz dans l’alimentation du bébé, en plus du lait maternel ou du lait concentré -on ne connaissait pas encore le lait en poudre pour bébé à la campagne lao dans les années 1960-70- était responsable de malnutrition et d’infections infantiles, je n’en avais jamais constaté dans notre village d’une centaine de maisonnées ni dans notre propre famille où j’avais élevé mes quatre frères de la sorte alors que maman était occupée par la riziculture.

D’ailleurs, une étude de Bertrand Graz en 1999 (Impact on health of early supplementation with rice in infants in Laos. Med Trop. 1999; 59:102–103) n’a pas relevé de corrélation entre la prise précoce de riz et une pathologie infantile particulière. Même s’il a noté que les « bébés nourris exclusivement au lait maternel ont tendance à être plus grands que ceux recevant (en plus) des compléments précoces de riz gluant ».

 « Peut-être s’agit-il d’une habitude bénéfique, apportant au nouveau-né une flore bactérienne maternelle saprophyte pour ensemencer son tube di9gestif avec une flore non pathogène, dont l’effet de barrière le protégerait de l’implantation d’une flore pathogène », s’est demandé Florence Stigler (L’alimentation des Laotiens, 2011).

Chez les T’ai-Lao, la soupe de riz ou du riz gluant avec un peu de sel ont toujours été une remède très efficace contre les maux d’estomac ou la dysenterie.

Adoration

En conclusion, le riz, vénéré comme une divinité dans les pays d’Asie producteurs et consommateurs de cette céréale et fêté comme une personne avec une âme et une personnalité à laquelle il importe de rendre hommage à des moments-clés de la saison rizicole afin d’obtenir une belle et abondante moisson. L’existence de tout un peuple en dépend, le standing familial et le statut social d’une famille sont bien évidemment étroitement liés au riz, en particulier dans les milieux ruraux.

C’est dans le même but que nous, les T’ai-Lao, demandons toujours pardon à la mère-riz s’il nous arrive à jeter du riz, tombé de notre main ou de notre bouche : « Nous savons que le riz est l’essence de la vie et notre mère nourricière. Pardonnez-nous d’avoir à vous jeter et ne nous punissez pas en nous privant de nourriture… ». Dans notre société, il est recommandé de ne pas ramasser de la nourriture tombée sur la table pendant un repas, car nous croyons que ce sont les génies tutélaires qui viennent réclamer leur écot en l’absence d’offrandes à leur endroit de notre part.

De même, les T’ai-Lao remercient, en joignant leurs mains et en inclinant légèrement la tête, la mère-riz de son offrande de la vie, tout en manifestant leur reconnaissance aux hôtes pour le repas. Mais ce rituel de remerciement et de témoignage de respect, toujours accompagné du mot Sathou et qui se pratique même quand on mange tout seul, cache en réalité des fonctions et des significations bien plus complexes. Florence Strigler estime que ces remerciements et prière s’adressent « à la fois à la personne qui a offert le repas, à la ‘nature’ qui en a procuré les ingrédients, à Bouddha. » Ce rituel, qui rend hommage à une trilogie bien connue dans la cosmologie t’ai-lao -nature-homme-Bouddha-, cacherait, peut-être, une peur viscérale mais refoulée au plus profond du subconscient de manquer de riz, d’être privé un jour de l’essence de la vie… La peur de mourir de faim, en somme ! Cette peur diffuse serait-elle aussi à l’origine des us et coutumes autour de la fermeture des Tip khao ? Selon les régions, ne pas refermer son Tip khao à la fin du repas exposerait le/la coupable à un divorce, à une privation de nourriture, à rester vieux garçon ou vieille fille, à ne pas connaître d’épanouissement personnel à l’image du riz devenu dur, manquant de saveur, presque impropre à la consommation, une fois laissé au contact de l’air et de la pollution ambiante… Un manque de respect et de considération à même de mécontenter l’âme du riz, ou Nang Khosop, et pouvant se traduire par des conséquences dramatiques pour l’Humanité.

Car, si le riz est « le plus important aliment de base dans le monde et continuera de l’être dans les prochaines décennies » (Cira), il suffit d’une sécheresse ou d’une inondation de grande ampleur pour remettre en cause l’équilibre précaire entre la production et la demande, toujours plus importante, de riz. D’autant que les deux plus grands producteurs (Chine, Inde) exportent très peu leur aliment de base. Des millions d’êtres risquent alors d’être plongés dans la famine, source de crise politique, humanitaire, voire migratoire.

Dès lors, on comprend mieux l’adoration des paysans d’Asie ou ailleurs envers la mère-riz qu’elle se prénomme Nang Khosop (Laos), Mè Phosop (Thaïlande), Prah Peisràp (Cambodge) ou Dewi Sri (Bali), etc.

Laissons à un vieux proverbe chinois le soin de mettre un point final (provisoire ?) à cette passionnante épopée du riz et de son importance primordiale pour l’Humanité : « Même la meilleure cuisinière (et Dieu sait qu’il en existe beaucoup dans le monde chinois et sinophile) ne peut pas, si elle n’a pas de riz, préparer un bon repas ! » D’ailleurs, Lao Tseu, en des termes plus savants, n’a pas dit autre chose : « Quand les gros sont maigres, il y a longtemps que les maigres sont morts… »

ENCADRE

– Riz cru (les principales utilisations) :

. Témoin d’honneur des mariés. Lancé avec allégresse sur les mariés sortant de l’église ou de la mairie, ou après un Baci de noces, le riz est censé favoriser la venue d’une nombreuse descendance et protéger le couple des sortilèges et de l’infidélité.

. Mettre dans un vase pour garder des fleurs artificielles ou pour stabiliser le cône central du plateau des âmes (Phakhouane ພາຂັວນ). Assécher des smartphones tombés accidentellement dans l’eau ou garder au frais des truffes, etc.

. Donner en don lors d’une veillée funèbre ou d’une fête (au Laos).

. Lancer sur le cercueil pour informer le mort de la présence d’un parent ou d’une personne venue lui présenter leurs respects et lui témoigner leur reconnaissance, tout en apportant un don, dont… du riz gluant cru !

. Mélanger aux bonbons, pièces de monnaie ou billets de banque repliés en triangle et des pétales de fleurs pour être lancés lors du Phon-hâ-kèo (littéralement pluie de pierres précieuses et que l’on peut traduire de manière peu satisfaisante par pluie divine), au coursd’un Thetsana appelé Botsoud thiphamonh khatha (ບົດສູດ ທີບພະມົນຄາຖາ), une prière de bénédiction et de présentation de vœux aux organisateurs d’une fête. Ces pièces/billets sont considérés comme des porte-bonheur qu’on garde en permanence dans son portefeuille.

– En desserts (les principaux) :

. Gâteaux de riz enveloppés dans une feuille de bananier avec de la banane ou des haricots noirs (Khaotom ເຂົ້າຕົ້ມ) avec deux variétés : nature ou avec du lait de coco, appelé alors Khaotom phat (ເຂົ້າຕົ້ມພັດ). Une variante à base de farine de riz gluant donne des Khaonom (ເຂົ້າໜົມ) avec, là encore, plusieurs variétés : Khaonom pane (ເຂົ້າໜົມປ່ານ), Khaonom noeb (ເຂົ້າໜົມແໜບ), Khaonom caramè (ເຂົ້າໜົມກາລາແມ).  (Cf. https://laosmonamour.wordpress.com/2021/07/27/nourrir-directement-des-esprits-entre-realite-et-mystere/)

. Khao san khaya (ເຂົ້າສັງຂະຫຍາ) : du riz gluant cuit avec du sucre et du lait de coco, surmonté d’un flan à base d’œuf, de sucre et de lait de coco.

. Khao niev man (ເຂົ້າໜຽວມັນ) : du riz gluant avec de la mangue ou du durian.

. Khao lam (ເຂົ້າຫລາມ): du riz gluant avec du lait de coco, du sucre, du tarot ou des haricots noirs cuits à la braise dans une jeune tige de bambou.

. Khao lodsong (ເຂົ້າລອດສ່ອງ) : un dessert à base de farine de riz, mélangé avec du lait de coco et du sucre.

. Khao mào (ເຂົ້າເໝົ້າ) : des grains de riz encore jeunes, grillés et décortiqués manuellement mélangés avec de la chair du jeune coco râpée et du sucre.

. Khao hang (ເຂົ້າຮາງ) : une variante de la recette précédente mais avec du riz un peu plus mûr, mais pas encore à point pour être moissonné.

– En plats (les principaux) :

. Khao pierk khao (ເຂົ້າປຽກຂາວ): soupe de riz nature à but thérapeutique.

. Khao pierk kai (ເຂົ້າປຽກໄກ່) : soupe de riz avec du poulet. On peut aussi remplacer la volaille par des boulettes de poisson ou du poisson fumé.

. Khao chi (ເຂົ້າຈີ່) : du riz gluant déjà cuit en boule aplatie et recuit sur des braises avec un peu de sel. Une variante : pour la fête des Mille boulettes de riz, on badigeonnera d’œuf battu les deux côtés avant de griller.

. Khao man kay (ເຂົ້າມັນໄກ່) : assiette de riz blanc recouvert de morceaux de poulet cuit à l’eau avec sa sauce.

. Le riz nature, cuit à la vapeur, est l’aliment de base des T’ai-Lao et sert à accompagner tous les plats du fameux Lab ou plat de la chance (tartare de viande de bœuf/buffle, volaille, porc ou de la chair de poisson assaisonné à la laotienne avec du padek, du riz et des piments grillés moulus, ainsi que des herbes aromatisants comme la menthe, la coriandre, les échalotes, etc.) à la salade épicée de papaye ou Tam markhung (ຕໍາໝາກຫຸ່ງ) en passant par du poisson grillé ou à l’étouffée, des soupes de pousses de bambou, de champignons, etc.

. Une poignée de riz gluant (ເຂົ້າປັ້ນນື່ງ) avec un peu de sel par-dessus pour calmer la faim des jeunes enfants de la campagne en lieu et place du repas ou dans l’attente d’un repas familial.

. Des Khao Tork Tèk (riz éclaté, ເຂົ້າຕອກແຕກ) en amuse-bouche, ou en dessert une fois mélangée avec du caramel.

– Nouilles, pâtes etc.

. Des nouilles de riz avec plusieurs variétés : khaopoun (ເຂົ້າປຸ້ນ), Khaopiak (ເຂົ້າປຽກ), Phô (ເຜີ), vermicelles ou cheveux d’ange (ເສັ້ນລ້ອນ). L’eau ayant servi à cuire les pâtes/nouilles peut être aussi utilisée à nourrir plantes et fleurs, ou alors être consommée comme du potage. Il est recommandé de ne pas jeter directement cette eau dans l’évier, source de bouchon des tuyauteries.

– Comme condiments

. Du riz gluant grillé et moulu, ou du riz gluant trempé dans de l’eau (khao beua ເຂົ້າເບືອ) et moulu, pour servir de liant à une soupe lao appelée Or (ເອາະ) ou Ome (ອ່ອມ) ou encore pour la soupe de pousses de bambou.

. Du riz gluant grillé et moulu pour parfumer un Lab/Koï ou steak tartare lao, un Chiève kung ou Lab kung (ແຈ່ວກຸ້ງ, ລາບກຸ້ງ) ou encore un Labpa appelé Lab-lève (ລາບແຫລວ)dans la mesure où la chair de poisson a été finement coupée ou hachée avant d’être mélangée dans un mortier (ຄົກ) avec de l’ail, de l’oignon, de l’aubergine asiatique grillés. On ajoute par petites doses un bouillon tiède tout en continuant à faire tourner le pilon en bois (ສາກ)

. Agent de fermentation pour Som-mou ou Som-xine (ສົ້ມໝູ, ສົ້ມຊີ້ນ), Som-pa (ສົ້ມປາ) -de la viande de porc, de bœuf ou de la chair de poisson fermentées-, Som-phak (ສົມຜັກ), même recette mais avec des légumes.

– A but thérapeutique

. Soupe de riz nature pour calmer des maux d’estomac, une dysenterie naissante, voire même de les guérir, ou durant une convalescence (l’amidon aide à retapisser les parois de l’estomac pour l’habituer de nouveau aux mets épicés ou aigres).

. Utiliser des boulettes de riz gluant pour mettre sur les points douloureux du corps d’un malade puis les jeter au loin pour se débarrasser symboliquement d’une maladie.

Cérémonies rituelles

. Riz gluant cuit comme aliment des khouane (âmes) pendant un Baci, ou lors d’un rappel des khouane (hong-khouane ຮ້ອງຂັວນ) ainsi que pour tout rituel de remerciement ou d’hommage aux génies tutélaires, à ceux du village, ou aux divinités célestes. CF. https://laosmonamour.wordpress.com/2014/12/25/laos-baci-phoukkhene-soukhouane-origines-fonctions-explications/

. Fabrication de Khao Tork Tèk (riz éclaté, ເຂົ້າຕອກແຕກ) pour les obsèques.

– Le paddy et ses restes

. La balle (ou enveloppe, peuk-khao ເປືອກເຂົ້າ ou encore khikèb ຂີ້ແກບ) sert à fabriquer du Choum ou Làohai (ເຫລົ້າໄຫ). La consommation du choum est un rituel très convivial, chacun aspire, à tour de rôle, une quantité donnée d’eau versée dans la jarre. Le degré d’alcool se révèle plus élevé en début de partie qu’à la fin. On s’en sert aussi pour protéger les pieds des arbres fruitiers de la chaleur ou pour être transformé en compost.

. Des temples de Batujaya, en Indonésie, étaient construits, au Vème siècle, avec des briques contenant de la balle de riz (Wikipedia).

. Le son, obtenu lors du blanchiment du riz complet ou riz cargo, est utilisé pour nourrir volaille, cochons ou chiens.

. La paille et les tiges de riz sont utilisées pour fabriquer du torchis. Reliées en bottes, les tiges peuvent servir à construire des cabanes et huttes à l’endroit même où se déroule le battage. On peut aussi en faire des balais.

. Au Japon, la paille entre dans la fabrication d’isolants pour les murs, de tatami, de tapis de sol de type mushiro et de sacs pour la récolte de riz.

Autres

. Eau de lavage du riz gluant avant de le laisser tremper le soir jusqu’à 05-06h00 du matin et sa cuisson à la vapeur est utilisée comme du shampoing, parfumée au fruit de combava grillé aux cendres. On l’appelle Nam muak (ນໍ້າມວກ). Et même l’eau servant à laver le riz blanc avant sa cuisson est très appréciée par les plantes et les fleurs. En Occident, certains recommandent même de mélanger des grains de riz avec du terreau avant de faire des plantations. En Asie, et plus encore dans l’aire géographique t’ai-lao, il s’avère tout simplement inconcevable de gaspiller de la sorte l’essence de vie, cadeau des dieux. Et même quand on doit jeter du riz avarié aux oiseaux, on demande toujours pardon à la mère-riz…

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A propos laosmonamour

ເກີດຢຸ່ບ້ານມ່ວງສູມ ເມືອງທ່າແຂກ ແຂວງຄໍາມ່ວນ ໄດ້ປະລີນຍາ ຕຣີແລະໂທ ຈາກມະຫາວິທຍາໄລ Robert-Schumann (Strasbourg) ແລະ ປະລີນຍາເອກ ຈາກມະຫາວິທຍາໄລ Paris-Sorbonne, Paris IV Travaille à l'AFP Paris après une licence et une maîtrise à l'école de journalisme de Strasbourg (CUEJ - Robert-Schumann) et un doctorat au CELSA (Paris-Sorbonne)
Cet article a été publié dans Animaux, Baci, Bali, Birmanie, Bouddha, Bouddhisme, Cambodge, Chine, Cuisine, Dharma, Divinités, DOSSIER, Etres humains, FAO, Fête des bateaux dragon, Heuanedi, Inde, Isane, Japon, Khène, Laos, Légende, Mort, Mythe, News, Obsèques, Pimay, Riz, Riz aux cinq parfums, Riz gluant, Riz solidaire, Sipsongpanna, Sipsongphanna, Thaïlande, Unesco, Yunnan, Zhuang. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

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