Eloges de l’Amitié IV

A la mémoire de Cathy, notre amie chère et créatrice du surnom si charmant de Soulimanoglu-le-Magnifique

« Mon Cher Souli, Sa Magnificence…  Je ne serais sûrement pas là le vendredi 20 pour participer à cette somptueuse cérémonie qui regroupera autour de toi la fine fleur du Sport « en dépêche », mais aussi et surtout ceux qui ont travaillé pendant plus de 40 ans à tes côtes. Ils seront, j’en suis sûr, nombreux et unanimes pour saluer le personnage unique que tu représentes dans cette rédaction », écrit Vincent de sa nouvelle base opérationnelle de Hong Kong, ville unique et condensée d’une Asie olympique (trois JO d’affilée y sont organisés) qui ne dort jamais.
Vincent a vu juste. En dépit de la grève des transports et de l’approche des fêtes de fin d’année, près d’une centaine d’amis, de collègues, de frères et sœurs de cœur, et de chefs ainsi que des deux docs qui m’ont ausculté à l’AFP ont inondé la cafét et ses dépendances de jus de raison avarié, importé de Champagne et du terroir Margaux.

Si mon discours d’au revoir a été « hors norme » (dixit Manu-the-Chief), un discours fleuve (Astolfo), le pot l’a aussi été grâce à une chaleur amicale si particulière et à un amour quasi fraternel de certains d’entre vous envers ma petite personne et ma famille.

« C’est une page de l’histoire sportive de l’AFP qui s’apprête à se tourner ! », le jeune Bruxellois Damien l’a bien senti. D’autres me l’ont ensuite confirmé en direct Live : des embrassades interminables, des sanglots dans la voix et même quelques petites larmes…

Il est vrai que l’amitié vraie, fière et sincère sert à « construire des ponts » (Lao Tseu) et « un ami est une route » (sagesse chinoise) pouvant nous mener vers de très belles choses, comme la construction d’un petit hôpital dans ma ville natale de Thakhek, au Laos, grâce à un incroyable élan de solidarité de votre part.

Je serais sans doute aussi grand que Pierre G. et Phillipe A. si j’avais grandi dans un endroit plus riche en nourriture et en facilités matérielles….

Affectueusement surnommé Maître, Révérend et Son Excellence (David), le Pol Pot du clavier et Misérable pousse de soja (RJ), vénéré compatriote (Stéphane) ou encore Sa Majesté et Arrigo Souli (Julie), en passant par Votre Luminescence (Fred), Sa Sérénité et Mékong de l’Information (Manu Prego), Votre Dictatoriale, Votre Succulence et Votre Sainteté (petit Nicolas), ou encore Cap’taine Bon (Laure), Soulimanoglu-le-Magnifique (Céline) et Souli-le-Magnifique (Nathalie A.), entre autres, je sais que je suis aimé. Puisque j’ai également droit à d’innombrables surnoms dans ma famille.

Mais parvenir à réunir plus de 6500 euros pour un cadeau de départ à la retraite, c’est tout simplement un incroyable exploit à l’image des huit médailles d’or olympiques de Michael Phelps aux JO-2008 de Pékin.
Avec, malgré tout, une kolossale différence : le nageur américain a signé son exploit tout seul alors que c’est vous, oui mes amis, mes frères et sœurs, c’est vous qui êtes les auteurs de ce témoignage de solidarité rare. Surtout envers des personnes inconnues, une ville et un pays si lointains.

Avec ma petite famille; mon épouse Dara, notre fils cadet Panya,
Alex notre cousin et Pradith;notre ainé

Certes, « 42 ans, c’est impressionnant », comme a laissé échapper le Romain Stanislas ajoutant qu’il était « plus qu’heureux de pouvoir participer à ton beau projet laotien. »

« Ton projet est fantastique, il est réjouissant et mérite qu’on le soutienne », a renchéri Nadia qui m’avait procuré l’une des plus belles émotions de cette séquence fraternelle et caritative avec l’annonce de la participation de sa sœur, qui ne me connaît même pas, à ce « formidable projet » (Boniface), à « ta très belle action caritative » (Benoît) et à cette « belle initiative » (Jean-Louis).

Il est vrai que très peu d’entre vous -en dehors des anciens correspondants de l’AFP dans cette région Philippe A. et Didier L.- connaissaient l’existence de Thakhek avant de devenir mes amis et d’être contaminées par ma folie furieuse de partager mon amour de ma terre natale et de ses traditions millénaires.
Thakhek est, pourtant, la ville qui a servi de port (d’entrée) aux marchands étrangers, comme son nom (Tha= port, khek= étranger) l’indique. Et surtout, c’est dans ma ville natale que les ingénieurs français avaient décidé, du temps du protectorat, de construire le premier chemin de fer au pays des Dork champa et du sourire gratuit afin de relier le Mékong au golfe du Tonkin, au Vietnam. L’endroit le plus étroit entre les deux ondes… Mais le destin et la Seconde guerre mondiale en ont décidé autrement. Ne restent qu’un début de terrassement en latérite et des maisons en brique blanche dans le quartier Nord de la ville, anciennes résidences des ingénieurs et techniciens.

Vue du Mékong, avec la Thaïlande au fond, prise à Ban Mouangsoum,
mon village natal, à 7 km de Thakhek

Finalement, les premiers trains viendront du Nord, de la grande Chine plus précisément, comme d’ailleurs l’ensemble des populations T’ai ou Dai ayant peuplé la péninsule, il y a fort longtemps.

Refermons cette parenthèse historico-géographique et économico-stratégique. Car, c’est en oubliant de refermer ces fameuses parenthèses (Raymond Devos l’a pourtant répété avec insistance de toujours le faire !) que mon discours d’au revoir avait allègrement dépassé l’heure… de jeu (inconsciemment, je voulais sans doute atteindre les 90 minutes d’un match de foot…) alors qu’il n’était que de 42 minutes, soit une minute par année de présence chez la Vieille dame. « Un émouvant roman de ta vie », a cependant souligné Philippe A., magnanime.
Ou alors, au fond de moi-même, j’avais ouvert expressément ces fameuses parenthèses -sans les refermer !- afin que mes honorables invités aient le temps d’apprécier l’amitié et l’amour que ma famille voulait leur témoigner, tout en profitant des pétillantes bulles venues de Reims.

Le champagne coulait à flot…

 « ຂໍອບໃຈທ່ານ. Soirée mémorable. Mémorable car de mémoire d’agencier, on a rarement vu autant de bouteilles de champagne bues à l’AFP le même soir (et pas n’importe quel champagne). Mémorable car on a rarement été aussi bien reçu et gâté. Mémorable car j’ai vu ce soir-là tellement de gens heureux d’être là pour toi. Mes souvenirs te concernant sont évidemment nombreux, mais celui de ce pot restera gravé. »
Emmanuel, qui s’est fendu d’un remerciement en laotien, l’a parfaitement résumé et il est notamment rejoint par son prédécesseur à la tête du département Sports, Didier L.: « Merci mille fois pour cette jolie fête de départ, célébrée dignement à n’en point douter, à la hauteur de la carrière qui l’a précédée. »

D’autres camarades et amis se sont également lâchés : « Ce sublime pot. Je crois qu’il restera dans la postérité. Tu as une famille superbe et de brillants enfants.  Ton discours était très beau et la partie « Je t’aime moi non plus » touchante » (Wafaa) ; « Pot gargantuesque » (Adrien DC) ; « Ce mémorable pot pour une si mémorable personne » (David) ; «Ta fête était merveilleuse et restera inoubliable » (Sylviane) ; « Superbe fête de départ. Rarement vécu quelque chose comme ça à l’AFP. Ça restera dans les mémoires de tous. T’as toujours été très présent et généreux ! » (Marime) ; « Merci à toi pour ce pot déjà mythique ! » (Philippe B.) ; « Soirée émouvante et mémorable » (Nicolas B.) ; « Cette fête de départ qui restera à coup sûr dans les annales de l’AFP ! » (Philippe V.).

Des sourires du bonheur

   Laissons donc à un brillant trio le soin de conclure cette partie festive et ô combien arrosée.
« Ce fantastique pot de départ, hors norme, vraiment incroyable, gigantesque, mais en même temps extrêmement chaleureux et amical, en raison de ta personnalité et du plaisir de connaître ta famille proche », a sobrement noté Danièle, une jeune retraitée.
Pierre L., mon compagnon de la nuit (on se passait le relais), a lui insisté sur les liens invisibles d’amitié entre agenciers : « La magnifique fête que tu as si bien organisée avec ta famille (« ma Top famille » selon Laure) a été un grand moment de la vie de l’Agence France-Presse, la vraie, celle que nous aimons et à laquelle nous sommes attachés. »
Enfin, mon petit frère Tch’ti a vu dans « cette magnifique fête de l’amitié », « une belle photo qui illustre bien tout l’amour et l’amitié qui ont rayonné pendant ton pot de départ. »

Heureux qui, comme Souli, avait des amis vrais, fiers et sincères!

   Oui, depuis mon départ de ma terre ancestrale, l’amitié n’a cessé d’être ma sœur consolation et s’est muée, au fil des années, en un amour fraternel, incompréhensible et inaccessible aux êtres non pourvus de code.
Isabelle, qui n’a croisé mon chemin et celui du si fameux poulet-coco que lors de ses dernières années de carrière à l’AFP, a très bien déchiffré ce mystère de la vie : « Ce frère que j’ai choisi, ou plus exactement que le destin m’a fait rencontrer, restera pour moi un chemin de lumière, un repère essentiel malgré la retraite qui va nous séparer physiquement, mais jamais affectivement. »
Jean l’ingénieur a délaissé son clavier et ses programmes olympiques et électoraux pour lancer un cri du cœur : « Mon journaliste préféré des sports va nous quitter ! » Ingrid, rencontrée au Mondial-98, porte de Versailles, avant d’entrer dans ma grande famille de l’amitié vraie, fière et sincère, a aussi dessiné ses mots avec son cœur : « Tu es la personne la plus gentille et la plus bienveillante que j’ai rencontrée à l’Agence !»

Un verre vide et que fait la police?

La grande majorité des jeunes, qui ont démarré leur carrière AFPénne aux Sports, ont été touchés par ma « gentillesse, tranquillité, (mes) sourires » (Rémy), même si beaucoup se sont souvenus de mes compétences de formateur : « Tes conseils, ta bienveillance et ta bonne humeur ont beaucoup compté pour moi » (Simon sans Garfunkel) ; « Ta bienveillance et ta souriante exigence ont permis à tant de jeunes agenciers de démarrer du bon pied à l’AFP » (Adrien DC) ; « Comme Pierre Bonnet, tu nous protégeais comme un vrai chef d’équipe, et je t’assure que c’était plus qu’appréciable ! » (Grégoire) ; « Je te remercie d’avoir figuré parmi ceux qui m’ont guidé lors de mes tout premiers pas à l’Agence » (Paul R.) ; « Merci de m’avoir formé (avec brio) à mes débuts » (Maxime).

   Si Odile (« Ça me fait vraiment quelque chose de penser que tu t’en vas ! ») et Adrien DC (« Ça fait vraiment bizarre de se dire qu’on ne tombera pas sur toi, en poussant la porte du desk le soir venu… ») sont inconsolables, Fabrice s’est, lui, un peu résigné et a reconnu en bon syndicaliste que ma retraite était « bien méritée ».

Quatre retraités contre deux jeunes travailleurs…

   Eric, le Bernois, s’est fendu d’un commentaire empreint de poésie : « Un sourire dans les mots et un bon mot pour sourire. Je te remercie d’avoir été là, toutes ces années, d’avoir maintenu la lumière allumée, de m’avoir répondu, de m’avoir parlé. C’est devenu si rare. Tu es cette deuxième personne (avec Pierre Bonnet) qui m’a donné le goût de continuer à travailler à l’AFP. »

   Ludovic n’a pas non plus oublié ses débuts à l’Agence : « Tu as été le premier à m’apprendre le métier d’agencier. Ce mois passé au siège, pendant que se déroulaient les Jeux à Pékin, reste l’un de mes meilleurs souvenirs à l’agence… »
En dépit d’une multitude de sports US à couvrir et des montants affolants des transferts en NBA ou NHL à décrypter, Nicolas le Californien a tenu à témoigner sa reconnaissance tout en critiquant en filigrane l’Agence pour ne m’avoir pas accordé une demi-catégorie, qui ne coûte pourtant rien à l’entreprise : « Tu as énormément donné à l’AFP. Ta sympathie, ta bienveillance, tes conseils ont accompagné et aidé plus d’une génération de jeunots passés entre tes mains. Et je ne parle pas de ta générosité à bien des égards. »

   Si Boniface a vu en son « cher Souli », « un homme exceptionnel », François, le globe-trotter du BHV-T, qui a effectué plusieurs allers-retours entre le Desk et le reportage, s’est montré presque lyrique alors qu’il était resté d’une impressionnante zentitude après le 13e Roland-Garros de Rafael Nadal : « Pendant toutes ces années, tu as été un point d’ancrage, un fanal allumé au desk aussi tard qu’il le fallait et une bouée de sauvetage. Avec le professionnalisme qui rassure et l’efficacité qui réconforte. Tu as su maintes fois désarmé le stress par un mot gentil et me redonner de l’énergie par un encouragement. Tu as été le gardien du temple… »

   Benoît, le Bordelais passé par L.A. et Nicosie, s’est sans doute souvenu de ses premiers JO, à Athènes en 2004, et de sa première gorgée de Lagavulin, en compagnie de Pierre Bonnet et de ma petite personne, pour qu’il choisisse l’humour et la démesure pour me rendre hommage afin de cacher ses émotions. « Votre très grande Altesse sérénissime (la Paix et la Gloire sur vous). Votre Seigneurie. Longue vie au Pol Pot des dépêches. Ô Souli, grand maître du desk et de la barre de fer. Voici donc venu le temps du découronnement de votre splendide Majesté, après plus de 40 ans de règne despotique sans équivalent dans le monde du journalisme. »

   C’est finalement Gaël qui a ramené le ballon sur le rond central : « Je commençais par mettre Didier H. à 11h00 et Souli à 17h30 cinq jours sur sept, un peu comme Thomas Tuchel coche d’abord les noms de Neymar et Mbappé au moment d’établir son onze de départ. »

   Face à ce portrait aussi dithyrambique qu’irréel, le modèle éprouve naturellement le vertige l’envahir. Il chancèle sous le poids du doute. Suis-je vraiment aussi bien et aussi bon que cela ? Mais, alors, pourquoi ne m’a-t-on jamais proposé de postuler un poste de plus grande responsabilité ? Est-ce une simple illusion, une convention non écrite ? Il y a cependant ces quelque 6500 euros de dons (« Je suis un peu déçu du montant de la collecte ce soir-là de la part des présents qui pourtant n’ont pas ménagé leurs efforts autour du buffet jusque tard dans la soirée », regrette cependant l’exigeant ami Jean-Claude) qui se révèlent d’une réalité absolue et qui ont contribué à la construction d’un petit hôpital à Thakhek, ma ville natale.

Avec Pierre Bonnet et Patrick S.

   A l’instar de Confucius, je n’ai jamais « recherché l’amitié de ceux qui ne partagent pas vos (mes) exigences » et mes doutes se sont complètement estompés quand j’entendais mes invités reprendre avec allégresse et en chœur l’Ode à la Joie de la IXème symphonie de Beethoven, au grand bonheur de mon altiste préférée Diane, qui a assuré avec brio et beaucoup de sensibilité la liaison musicale des neuf épisodes de ma vie à l’AFP.

   « On sait tous que c’est toi le vrai chef ici. Pendant si longtemps, tu auras été la tour de contrôle du desk », écrit Diane dont les propos ont été amplifiés par ceux d’une autre artiste, Julie, la grande prêtresse du tiramisu.
   « De ces années passées à te côtoyer, je pourrais évidemment souligner ta grande, très grande, très très grande capacité de travail. Ton don d’ubiquité, ton talent pour le jonglage entre toutes les disciplines. Mais c’est surtout ton sens de la convivialité qui me vient à l’esprit », détaille avec la force d’une Picarde amoureuse des choses bien faites. 

Diane, mon altiste préféré, a conquis Pradith, violoniste amateur

   Pour Adrien DC, mon départ à la retraite, certes mérité, est tout bonnement un « grand pincement au cœur pour tout le service des sports et l’Agence. »

   Enfin, deux amis extérieurs aux Sports se sont aussi sentis obligés d’apporter leurs flatteuses appréciations. « Souli a été pour moi l’archétype du collègue que tout jeune journaliste rêverait d’avoir : plein d’empathie, prévenant, rassurant dans les situations difficiles »,souligne Aymeric, parti rejoindre un grand quotidien du soir et romancier au talent prometteur. Son premier roman, L’Etoile d’Orient, a reçu le prix L’Encre et les mots 2020. Son deuxième opus, Funeste Albion, va bientôt sortir.
« Pendant toutes ces années, tu nous as donné en héritage ta compétence sans limites, ta générosité et ton indéfectible bonne humeur inépuisable ainsi que ta bienveillance envers tous », renchérit Pierre de la « grande nuit ».

Avec les jeunes de la génération montante et mon ami Jean-Claude à l’extrême gauche

   Un imperceptible voile d’incrédulité, mêlée à un immense bonheur et une joie intérieure intense, m’assaille et m’interpelle bien malgré moi. Ces bons mots, pas bleus certes mais d’une extrême beauté, s’adressent-ils vraiment à ma petite personne ou sont-ils destinés au beau projet que j’ai initié ? Si le doute n’était pas de mise le soir du pot, une ombre plane à la lecture de ces témoignages d’une profonde sincérité et d’une beauté rare…

   « Merci à toi pour TA générosité, et pour nous avoir donné l’occasion, en proposant cette collecte, de participer à une belle œuvre », déclare Christophe B. depuis Berlin où il est Sportkoordinator.

   De son côté, Philippe V., entré dans ma grande famille de l’amitié après avoir été embeded au desk olympique des Jeux de Sydney en l’an 2000, a associé son épouse Nathalie pour s’exclamer d’une seule voix : « C’est vraiment une magnifique réalisation et nous sommes fiers d’y avoir participé à notre modeste mesure ! »

Notre petit hôpital de l’amitié (g) est accolé à un bâtiment offert par la France

   Odile D., en mission de remplacement à Nicosie, était inconsolable après avoir lu le compte-rendu de la soirée accompagné de photos, mais s’est vite ressaisie pour affirmer que « c’est très émouvant de voir sortir de terre ce très beau projet, vraiment un magnifique projet. » Avant d’ajouter un cri du cœur qui nous a beaucoup touchés, ma famille et moi-même : « J’ai l’impression que c’est le meilleur cadeau auquel j’aie participé de ma vie ! »

   Jean-Claude, un autre jeune retraité qui a passé ses huit dernières années d’AFP à supporter mes caprices divers et variés -comme commander des frites maison chez Monop qui n’en vend pas, par exemple- a pris de la hauteur pour résumer le sens de l’existence et mon amour insensé pour le Laos : « Ce que tu fais pour ton village natal mérite un très profond respect, la démonstration que les racines ne sont jamais très loin même si tu en as été éloigné… »

   Comme l’a très justement souligné Oscar Wilde, « seul l’amour peut garder quelqu’un vivant » et, depuis mon exil forcé en terre de France, c’est l’amour filial qui m’avait poussé à aller de l’avant, à affronter les difficultés, à chercher du travail. Et à rester en vie dans le seul et unique but d’obtenir un doctorat, non pas par ambition personnelle mais par devoir filial envers un père, simple instituteur de village, qui rêvait de voir l’un de ses sept enfants devenir docteur. A son décès en 2013, à l’âge de 87 ans, notre famille compte sept docteurs dont un seul non soignant, votre serviteur !


Si l’amour m’a gardé en vie, c’est une incroyable chaîne d’amitié qui m’a aidé à me reconstruire, à me donner une seconde famille, celle de l’amitié vraie, fière et sincère et dont vous êtes les membres les plus éminents. Parce que, au plus profond de moi-même, j’ai toujours essayé de mener une existence en parfaite harmonie avec les préceptes de Bouddha : « Ne prends pas comme amis ceux qui font le mal ou ceux qui sont bas. Fais ta compagnie des bons, recherche l’amitié des meilleurs parmi les hommes. » Et je n’ai cessé de faire du bien autour de moi, à la hauteur de mes moyens matériels et spirituels.

Un auditoire attentif même avec un verre de champagne à la main

   Ces vécus douloureux, les privations, sans commune mesure certes avec celles subies dans mon enfance, la main tendue par le chef du bureau de Strasbourg, Bernard A., ont certainement contribué à modeler l’homme et le journaliste que je suis devenu.

   Alain G., qui formait le fameux trio d’aînés avec Pierre Bonnet et moi-même, a souligné que, « encore plus que tes qualités professionnelles, ce sont tes qualités humaines qui ont marqué toutes les générations qui t‘ont côtoyé. Pour toi, l’amitié n’est pas un vain mot et le travail ne se conçoit pas sans le ciment de la convivialité. »
« Une image perdure, intangible, celle de ton bob défiant la tempête. Faisant preuve d’un calme olympien, aux commandes du navire, tu distribue inlassablement la copie, rassurant les uns, encourageant les autres. Proche de tous ! », a-t-il souligné.

   C’est assurément la magie de l’amitié vraie, fière et sincère qui a soulevé, non pas des montagnes, mais l’enthousiasme et l’adhésion des amis et collègues avec lesquels je n’avais pourtant que peu de relations professionnelles (ils sont devenus généralistes et ne couvrent plus le sport qu’occasionnellement) et personnelles (à cause de l’éloignement et du travail).

   Ainsi, Cyril B., parti à la découverte de l’Afrique et de ses mystères après avoir réussi à déchiffré ceux de l’Asie en épousant une charmante Thaïlandaise, a été le premier à soutenir mon projet et à envoyer sa contribution depuis Nairobi. Stanislas (Rome), Christophe et David (Berlin) ainsi que Damien (Bruxelles) lui ont rapidement emboîté le pas. Odile a lancé un charmant jeu de piste entre Nicosie et Vivienne alors que les Parisiens attendaient sagement le pot du siècle pour apporter leur écot. Eloi R., de Suisse, a été l’un des derniers à réagir mais s’est aussi montré l’un des plus généreux, à l’image de mon président des petits sports préféré, Olivier L., ballotté entre l’annonce de sa venue au pot et l’annulation de son TGV marseillais…

   Si j’ai déjà souligné avec tendresse et émotion mon grand bonheur et quelques larmes versées à l’annonce de la participation de la sœur de Nadia, j’ai aussi été très touché par la très grande générosité du petit personnel (le néologisme est de Didier le Tourangeau) :  une jeune prof d’EPS et vacataire aux Sports, des CDD à peine arrivés !
   Bien évidemment, le premier cercle familial, qu’il soit laotien ou occidental, s’est montré d’une largesse inouïe en apportant près de 4000 euros à notre petit projet familial.

   A vous tous, anonymes ou cités nommément par votre prénom, ma famille et moi-même vous témoignons notre reconnaissance infinie et vous prions d’accepter, en retour, notre tendre affection.  Nous sommes aussi très fiers et honorés de vous compter dans notre grande famille.

   S’il s’avère « assez facile d’être amical avec des amis » (Gandhi), se montrer si généreux envers une population inconnue, une ville et un pays si lointains s’apparente assurément à un amour fou, ou à un coup de foudre pour nos semblables de l’Humanité, quels que soient leurs origines, leurs races et leurs religions. Ou plus simplement un geste naturel d’un être humain envers un autre…

  Concluons -provisoirement- cette page amicale, même si l’amitié vraie, fière et sincère ne souffre d’aucun moment de relâchement (comme dans un match de foot), ni de pause, et encore moins de temps morts… en laissant la parole à mon ami et confident Vincent.

Xia Xia Ni l’ami Vincent!

    « C’est juste du plaisir, de l’humour, gentillesse et dévouement que représente le petit bonhomme au bob coloré que j’ai côtoyé et apprécié « aux Sports » et aussi pendant les Jeux, loin de Vivienne !  Merci à toi Souli pour ton engagement dans cette maison, mais aussi et surtout pour ton empathie viscérale pour ton prochain, ton voisin de clavier, tes proches, tes compatriotes ! »

Mon dernier 31 décembre après 42 ans, trois mois et deux semaines de présence

POST-SCRIPTUM

Le Desk Sports est une famille…

Le jeune Tom en visite familiale…
Notre RJ national avec son meilleur N.10 pour sa retraite
Le « 11 du siècle » de l’entraîneur Grélard

PS 2: « Si entre le Ciel et la Terre, il n’existe qu’une demeure temporaire », selon Bouddha. Alors, qui sommes-nous Terrains lorsque notre Terre n’est qu’un point brillant dans l’espace sidéral ?

Photo de la terre (le petit point brillant) prise par la songe Voyager depuis les confins de l’Univers

PS 3:

Merci

Je viens du Laos, et d’Asie
Un tout petit pays
Si près et si loin d’ici
Mais tellement accueillant et beau
Avec ses cascades et ses chutes d’eau
Ses paysages sublimes et ses hauts plateaux
Sa culture si riche et si variée
Son Baci et ses khouan égarés
Ses Dork champa et ses orchidées
Son peuple si souriant, si hospitalier
Et bien sûr le Mékong, son fleuve nourricier…

Recueilli en France, et à l’AFP
J’ai alors refait une nouvelle vie
Au sein d’une formidable seconde famille
Remplie de frères et d’admirables amis
D’une complicité rare et beaucoup de fraternité
Avec aussi infiniment de solidarité
De partage, des éclats de rire insensés
Du travail bien fait, de la joie partagée
Ainsi qu’une incroyable amitié !

Alors quand vint le 31 décembre
De l’an de grâce 2019, tout tremble
Sulymanoglu-le-magnifique tire sa révérence
Après deux semaines, trois mois et 42 ans
Au service de l’AFP, une dame si exigeante
Ne lui accordant même pas une demi-catégorie
En dépit d’une fidélité jamais démentie
Une seule équipe pour la vie
Une existence jamais assouvie
A servir l’information avec minutie
Un peu à la manière d’un certain Totti

Le voilà donc parti
Au Laos, sa terre ancestrale, sa patrie
Faire construire dans sa ville natale
Un petit bâtiment à accoler à un hôpital
Afin de venir en aide aux plus démunis
Soulager des petites gens malmenées par la vie
Pour qu’elles retrouvent sourire et envie
Ou simplement un espoir, une rêverie…


« C’est une très belle initiative, Souli
Et nous sommes fiers et ravis
De t’accompagner jusqu’en Asie… »
Clament ses frères et amis en chœur
Honorés et très heureux
De voir s’élever très loin de Paris
Le symbole de leur fraternité
Un hôpital, un espace de vie
Un réconfort, une pincée d’humanité
Un petit rien qui réconforte et unit
Surtout pour les plus démunis
Qui retrouvent ainsi un semblant de vie…

Alors, du fond du cœur merci !
Merci d’être membres de ma famille
Merci de venir en aide aux plus démunis
Merci d’avoir pris Thakhek dans votre vie
Merci d’avoir accepté le Laos pour seconde patrie
Merci de votre fidélité et de votre empathie
Merci pour cette merveilleuse fratrie
Mille et un mercis
A vous, mes honorables amis !

Merci…

PS 4: Merci aux photographes Isabelle, Julie, Mana, Dominique, Philippe et tous ceux qui m’ont envoyé des photos de la soirée…

A propos laosmonamour

ເກີດຢຸ່ບ້ານມ່ວງສູມ ເມືອງທ່າແຂກ ແຂວງຄໍາມ່ວນ ໄດ້ປະລີນຍາ ຕຣີແລະໂທ ຈາກມະຫາວິທຍາໄລ Robert-Schumann (Strasbourg) ແລະ ປະລີນຍາເອກ ຈາກມະຫາວິທຍາໄລ Paris-Sorbonne, Paris IV Travaille à l'AFP Paris après une licence et une maîtrise à l'école de journalisme de Strasbourg (CUEJ - Robert-Schumann) et un doctorat au CELSA (Paris-Sorbonne)
Cet article a été publié dans Amitié, Amour, Bouddhisme, Chine, Culture, DOSSIER, France, Laos, Société. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

4 commentaires pour Eloges de l’Amitié IV

  1. Louise Dallaire dit :

    Oh! Ce texte si touchant, ces mots qui « vous disent et vous racontent » témoignent magnifiquement de votre nature et de votre engagement à travers vos liens. En cela, ils rejoignent notre propre perception, acquérant résolument un caractère objectif! C’est ainsi que je pense un monde forgé de tels liens, ce qui donne sens à la vie en société. Vous incarnez ce que vous pensez et dites. Ici, en bon québécois, on soupirerait d’aise en disant que vos bottines (action) suivent vos babines (parole) et, à votre propos, que, cohérent dans votre nature, vous vous êtes « individué », et réalisé pleinement, ce qui reste le sens ultime de tout passage de l’humain sur terre. Merci d’avoir ouvert, pour nous, dans l’éloignement, le cahier de ces pages lumineuses relatant ce moment du pot et attestant d’une vie professionnelle composée de tous ces liens, avant toute autre chose.

    • laosmonamour dit :

      C’est dans la suite logique d’Eloges de l’Amitié N.3. Ce texte est un peu plus « familial » dans la mesure où plusieurs dizaines de personnes se sont exprimées (sur ma personne et mon projet, devenu par ailleurs réalité). Merci Louise de votre fidélité: amis un jour, amis pour toujours. Au fait, je viens d’ajouter un PS3, le poème « Merci ».

  2. DEHEE dit :

    Bonjour,

    Merci vos mots, votre blog qui me permet d’être en lien avec le Laos dont je suis également originaire. Et plus précisément de Thakhek.
    Je souhaiterai faire un don à l’hôpital de l’amitié que vous avez crée. est-ce possible ?

    Dans l’attente de vous lire. Bel après-midi.
    Taline.

    • laosmonamour dit :

      Quel bonheur de retrouver un « compatriote » venu de la même ville. Je viens de Ban Moungsoum, juste après That Sikhod, soit à 7 km de Thakhek. Suis partir en France en 1973 comme boursier. Puis, le destin et l’histoire ont décidé pour moi… Oui, bien sûr vous pourrez participer à notre projet. C’est un bonheur et un honneur d’attirer l’attention des compatriotes. Je vous enverrai mon adresse sur Messenger. Merci de la visite et bon week-end à vous.

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